Association d'Assistants Familiaux Lorrains

Réouverture des écoles : l’épreuve

23-04-2020

Paris, le mercredi 15 avril 2020 – Les témoignages recueillis par différents journalistes politiques suggèrent clairement que le Président de la République a délibérément choisi de s’émanciper de l’avis du Conseil scientifique mis en place par l’exécutif pour décider la réouverture progressive des écoles à partir du 11 mai. Dans son dernier avis rendu public (à l’exception d’un avis sur les départements et territoires d’outre-mer), le Conseil scientifique s’était penché sur la question du déconfinement. Cependant, il abordait les critères indispensables et ne s’était pas prononcé spécifiquement sur le moment opportun de la reprise des enseignements dans les établissements. Consulté néanmoins avant l’allocution du 12 avril, le Conseil scientifique serait apparu profondément selon Le Parisien, tandis qu’une majorité de ses membres prônaient une réouverture plus tardive. Parallèlement, les avis politiques qu’Emmanuel Macron a glanés en France et à l’étranger (auprès notamment de ses prédécesseurs) l’auraient plutôt incité à cette audace.

Le rôle incertain des enfants

Si la réouverture des écoles est donc certainement une décision d’abord politique avant d’être scientifique, les arguments scientifiques pouvant si ce n’est conforter tout au moins ne pas désavouer une telle mesure ne manquent pas. En tout état de cause, le rôle des enfants dans la diffusion du virus n’est l’objet d’aucune certitude. « L'argument initial sur les enfants, c'était que ce coronavirus se comportait un peu comme une grippe. Et on sait que les enfants sont de forts transmetteurs de ce genre de virus respiratoires tels que la grippe. On s'aperçoit maintenant que ce coronavirus ne se comporte pas exactement de la même façon » observe ainsi le Dr Pascal Crépey, épidémiologiste et enseignant-chercheur, interrogé par Radio France. Le docteur Robert Cohen, infectiologue à l’hôpital intercommunal de Créteil, qui qualifie la réouverture des écoles en mai de « globalement raisonnable » précise pour sa part sur France Info : « Au fur et à mesure, on s'est rendu compte que parmi les gens avec des symptômes évoquant le Covid-19, les enfants étaient beaucoup moins atteints que les adultes. Chez les adultes, on a 30 % de prélèvements positifs, alors que chez les enfants, on est à 10 % » relève-t-il ajoutant encore que les différents éléments aujourd’hui mis en avant font « qu’on n'a pas la certitude que les enfants ne jouent pas de rôle dans l'épidémie, mais il n'est pas celui que l'on attendait au début de l'épidémie ». Des travaux complémentaires doivent être menés pour disposer de données plus précises. Dans ce cadre la Société française de pédiatrie vient de lancer une étude en région parisienne destinée à tester 600 enfants (la moitié ayant présenté des symptômes évocateurs d’une infection par SARS-CoV-2 et l’autre n’ayant pas présenté de symptômes) en région parisienne.

Un avis du conseil scientifique attendu

Si les résultats de telles études seront utiles pour ajuster les stratégies à déployer pour un retour à l’école dans les meilleures conditions possibles, l’urgence nécessite des réponses et des actions plus rapides. Dès aujourd’hui, le Syndicat national des lycées et collèges (SNALC) demande donc un « avis écrit du conseil scientifique », alors que pour l’heure, à notre connaissance, les avis rendus publics (mais ils sont parfois publiés avec retard) n’ont pas abordé cette question de la réouverture des écoles.

Des masques pour 12 millions d’élèves et 800 000 enseignants ?

Outre cette caution scientifique, les syndicats qui ont tous manifesté leur plus grande inquiétude exigent des garanties concernant les moyens dont disposeront les écoles pour restreindre le plus possible les risques pour les enfants mais surtout pour les adultes (qui sont selon toutes les données épidémiologiques bien plus à risque de développer des formes graves). Outre la promesse d’une réduction des effectifs, le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer a indiqué que le port des masques serait « certainement obligatoire ».

Même s’il est acquis que tous les enfants ne seront pas accueillis à l’école le 11 mai, on peut néanmoins se demander comment une telle promesse pourrait être tenue quand on sait que le système scolaire compte plus de 12 millions d’élèves et plus de 870 000 professeurs (sans compter les autres agents).

Des tests souhaitables mais peu probables ?

Les attentes des syndicats concernent également la réalisation de tests. « Ce qui nous semble incontournable, ce sont les garanties pour la sécurité et la santé des élèves et des personnels qui doivent subir un test sérologique avant la réouverture des établissements » recommande ainsi Sophie Venetitay, secrétaire générale adjointe du SNES-FSU. L’idée va à l’encontre des préconisations d’Emmanuel Macron d’un dépistage systématique des cas symptomatiques et apparaît peu compatible avec les capacités de dépistage (et alors que des incertitudes concernent encore les tests sérologiques). Cependant l’idée est également soutenue par certains médecins. « Il faudra que tous les enseignants puissent faire un test sérologique. Ceux qui seront positifs, seront tranquilles. Les autres devront porter un masque. On ne pourra pas reprendre sereinement sans ces précautions » note ainsi citée par Le Parisien, Karine Lacombe, (chef du service d’infectiologie à l'hôpital parisien Saint-Antoine). Les syndicats attirent également l’attention des pouvoirs publics sur la mise à disposition indispensable de gels hydroalcooliques et de dispositifs de protection, qui font pourtant régulièrement défaut dans les installations sanitaires des établissements.

Une décision illogique et inconsciente

Si on l’observe, les syndicats d’enseignants se montrent aujourd’hui circonspects quant à la possibilité de disposer de toutes les garanties essentielles pour une réouverture de l’école restreignant les risques, les représentants des médecins sont également très partagés, voire hostiles. Ainsi, alors que le patron de la Fédération des médecins de France (FMF) Jean-Paul Hamon a jugé que « La réouverture progressive des crèches, écoles et lycées, fait courir un risque inutile à l'ensemble de la population », le président de l’Ordre des médecins, Patrick Bouet dans une interview au Figaro se montre également très critique. « Ce choix révèle un manque absolu de logique » dénonce-t-il. Il observe encore que « L’inquiétude des enseignants est justifiable car nous ne savons pas comment les tests PCR ou sérologiques seront effectués, comment les masques seront distribués etc. J’en suis moi-même encore à demander que tous les moyens de protection soient fournis aux soignants! La semaine passée, la DGS m’a informé que cette semaine les soignants n’auront que 18 masques chirurgicaux et pas de FFP2. Donc, je suis désolé, mais nous n’avons pas encore tous les moyens de protection nécessaires. Je ne voudrais pas qu’on se retrouve dans la même situation avec les enseignants ». En tout état de cause, qu’ils soient opposés à la réouverture des écoles dès le mois de mai ou favorables sous conditions strictes, l’ensemble des acteurs s’accorde pour dire que le déconfinement des enfants impose de continuer à restreindre les contacts entre eux et les plus fragiles.

Aurélie Haroche