Association d'Assistants Familiaux Lorrains

Témoignage son foyer est un refuge pour les enfants malmenés par la vie : comment rachel tison est devenue assistante familiale

22-11-2020

Le conseil départemental du Loiret recrute une centaine d'assistants familiaux. Il y a deux ans, Rachel Tison a choisi d'exercer cette profession, ou comme on les appelait avant, famille d’accueil, pour des enfants retirés à leurs parents en raison de difficultés diverses. Au sein de sa maison, entourée de ses enfants, Rachel leur donne un cadre, agit pour leur scolarité, leur confiance en eux… Elle raconte son quotidien.

Pourquoi a-t-elle fait le choix de cette profession ?

« C’est un métier passionnant. L’enfant nous donne tellement plus que ce qu’on peut lui donner. » Il y a deux ans, Rachel Tison a pris un tournant. Après avoir été coiffeuse, assistante maternelle, serveuse, elle est devenue assistante familiale employée par le conseil départemental. Son rôle : s’occuper et accueillir, au sein de sa famille, des enfants retirés à leurs parents par les services sociaux.

« Un assistant familial est une personne qui, moyennant rémunération, accueille habituellement et de façon permanente des mineurs à son domicile », précise le Département, ajoutant que « l’accueil familial signifie qu’un enfant est pris en charge dans une autre famille que la sienne, afin de résoudre une situation particulière le concernant. L’objectif est de résoudre l’éventuel problème de la relation enfant-parents tout en conservant sa culture familiale en vue de permettre un retour dans sa famille. Dans le cas où cela est impossible, l’objectif est d’aider l’enfant à grandir en maintenant le lien avec sa famille. »

« Ma tante a toujours été dans le milieu, je voyais chez elle beaucoup d’enfants, sans savoir qui ils étaient vraiment. Je suis originaire du Nord, quand je suis arrivée dans le Loiret, j’ai été bénévole en tout genre. Pour l’école, on me demandait d’accompagner les enfants aux activités scolaires. J’avais un échange plus facile avec les adolescents. Je m’étais souvent dit que j’aimerais être famille d’accueil, mais ma maison n’était pas adaptée, ni la profession de mon mari. Lorsque nous nous sommes séparés, j’ai attendu que mes cinq enfants soient plus grands, car c’est un projet qui embarque toute la famille. J’étais jeune mamie, et il n’était pas question pour moi d’accueillir de jeunes enfants, je préférais des ados. Cela permettait que chacun reste à sa place. »

Comment s'est-elle formée ?

La première étape est la demande d'agrément. Elle doit être faite au conseil départemental du lieu de résidence. « Ils vérifient qu’on a une grande maison, pas de chiens dangereux. Nous sommes vus par des professionnels de la PMI, un médecin psy… Cela prend environ trois mois », précise Rachel Tison.

Une fois l’agrément obtenu, les futurs assistants familiaux contactent les différentes structures employeuses, parmi lesquelles le conseil départemental, mais ce n’est pas le seul. Lors de l’entretien de recrutement au Département, le futur assistant familial rencontre la responsable du service, un travailleur social et un psychologue.

« Il est évalué si son histoire de vie peut se répercuter sur l’accueil »

STÉPHANIE GLÉNISSON ( responsable de l'unité accueil familial du conseil départemental. )

Lorsqu’il est embauché par le conseil départemental, en CDI, l’assistant familial est formé. Il suit un stage de 60 heures, préalable avant tout accueil d’enfant. « On présente l’institution, les grandes lignes du métier. Certains idéalisent le métier. On prévient les candidats en dressant un portrait pas idyllique », ajoute Stéphanie Glénisson.

« Dans les 3 ans qui suivent le premier contrat de travail, les assistants familiaux doivent suivre une formation obligatoire adaptée aux besoins des enfants accueillis. En alternance, d’une durée de 240 heures (40 jours), sur 18 à 24 mois, elle est à la charge du Département. À l’issue de la formation, les stagiaires peuvent se présenter au diplôme d’État d’assistant familial (DEAF) ou demander l’attestation de présence à la formation, permettant de renouveler l’agrément. » En effet, ne pas avoir le diplôme « n’est pas un obstacle à la poursuite de la profession d’assistant familial ».

Quand a-t-elle accueilli le premier enfant ?

Après les différentes formalités, et moins d’une semaine après son stage préparatoire, elle a été sollicitée pour accueillir Lola, 13 ans, malmenée par la vie. « Au début, on a la trouille, mais j’ai pu me préparer, en ayant des contacts avec la précédente famille d’accueil de Lola, ses parents, et elle. Nous avions une demi-heure de route, la voiture est très importante lors d’un premier contact, cela évite les regards. On a échangé, je l’ai mise à l’aise. Quand je lui ai dit que j’avais trois filles, elle a eu peur, elle avait de mauvaises relations avec les filles de sa précédente famille d’accueil. Mes jumeaux de 11 ans l’attendaient et l’on mise à l’aise. Dans la soirée, l’un de mes fils a fait une crise de jalousie. Il ne s’attendait pas à ce qu’elle prenne autant de place, me mobilise tant. C’est vite passé. »

Depuis Lola, Rachel a accueilli deux autres enfants. Son quotidien est chargé entre rendez-vous de suivi psychologique pour les enfants, accompagnement de la scolarité parfois chaotique, relations avec les parents pour certains, et une mission capitale : redonner aux enfants confiance en eux et en l’adulte…

Quelles sont les difficultés auxquelles elle est confrontée ?

Elle a dû traverser des moments difficiles. « J’ai accueilli Angelo, 4 ans, pour voir avec une autre tranche d’âge. Au début, tout se passait bien chez nous, mais, à l’école, il était violent, il criait. Les relations avec sa maman étaient difficiles. Un peu avant le premier confinement, il est devenu violent ici, sur les animaux, et avec les adolescents. J’étais à bout de ce que je pouvais lui donner. Pour mes enfants et Esteban, ce n’était plus possible. J’ai demandé à ce qu’il soit réorienté. »

Pourtant, c'est aussi un métier fait de petites victoires...

Parfois, tout se passe très bien comme avec Esteban, 14 ans, qu’elle accueille depuis le printemps dernier, et qui, malgré ses failles (déscolarisation, carences éducatives…), s’en sort bien, y compris au collège, et dans les relations avec les deux fils de Rachel.

Lola, elle, contre toute attente, a pu renouer des liens avec son père et, depuis peu, vit avec lui.

Le projet était qu'elle retourne vivre chez sa maman, mais finalement cela n'a pas été possible. On peut nous donner un projet, mais, finalement, aller en sens inverse. Le papa s’est réveillé. Avec Lola, on se parle toutes les semaines, la voir réussir sera très important pour moi. Je ne m’attendais pas à changer autant la situation.

Comment concilie-t-elle son métier et sa vie de famille ?

L’enfant logeant chez lui, l’assistant familial doit trouver un équilibre entre sa vie de famille et son engagement pour le jeune.

Certains rendent visite à leurs parents le week-end mais ce n’est pas tout le temps le cas, cela dépend des situations. Il ne faut pas penser qu’on est tranquille.

L’assistant familial a aussi le droit de prendre des vacances avec les siens, sans l’enfant accueilli, qui part, lui, en famille relais : « Lorsque nous l’avons fait, Lola l’a très mal vécu, elle s’est sentie abandonnée une nouvelle fois. Elle nous a fait vivre quinze jours d’enfer. Par la suite, nous avons travaillé avec elle et son psy sur la séparation. On doit aussi penser à nous. Je veux partir au moins une semaine avec mes enfants. C’est important de préserver sa cellule familiale. La formation que l’on suit nous l’explique bien. Même si nous ne sentons pas la fatigue, nos enfants en ont besoin », raconte-t-elle.

Elle a dû aussi « remettre Lola à sa place, quand elle disait que j’étais sa maman, ou qu’elle disait à mes grandes filles de partir ».

Rachel a vu ses deux fils changer depuis qu’elle exerce : « Cela apporte tellement à mes enfants, cela les aide à grandir, à mûrir. Ils relativisent leurs soucis. Mais les jumeaux sont très protecteurs, donc il est arrivé que les problèmes de Lola au collège leur retombent dessus. À chaque fois qu’un jeune arrive dans notre maison, c’est un nouvel équilibre à trouver. Nous sommes désormais sûrs qu’il n’est pas possible, pour nous, de prendre un enfant à l’âge trop différent des jumeaux, pour les activités au quotidien. »

Recrutement

Le conseil départemental recrute une centaine d'assistants familiaux, en ce moment. Mais procède aussi régulièrement à des recrutements, afin de pallier les départs en retraite. Chacun peut devenir assistant familial, quel que soit sa profession ou sa formation d'origine, puisque toutes les personnes recrutées par le conseil départemental du Loiret sont formées à ce métier. Pour l'exercer, il faut : « Des qualités humaines, de la patience, de l’empathie, de la bienveillance, être dans l’absence de jugement, de la disponibilité pour les conduire aux soins psychologiques, qui peuvent être importants pour certains enfants. Ce n’était pas un métier très professionnalisé avant, c’était plutôt du don de soi. Nous demandons désormais des capacités d’analyse, de savoir utiliser un ordinateur, car il y a une part importante de travail administratif », liste Stéphanie Glénisson. Lorsqu'ils sont en poste, les assistants familiaux ne sont pas seuls dans leur coin. L’unité d’accueil familial les accompagne, par le biais de référents professionnels, qui répondent à leurs questions, font l’intermédiaire avec les parents de l’enfant… Le conseil départemental précise : « Dans l’attente qu’un enfant lui soit confié, l’assistant(e) familial(e) perçoit une rémunération minimale. » Ensuite, sa rémunération sera constituée d’une part fixe et d’une part variable selon le nombre d’enfants accueillis (au maximum trois, sauf en cas d’accueil de jeunes ponctuellement en famille relais). Des indemnités couvrant les charges fixes (nourriture, habillement de l’enfant…) sont aussi allouées. Ils ont aussi accès à des avantages spécifiques attribués par le conseil départemental, notamment des indemnités provisoires lorsqu’ils n’ont plus qu’un enfant alors qu’ils en accueillaient deux ou trois.

Des réunions d’information sont organisées régulièrement. Pour se renseigner et s’inscrire auprès de l’unité d’accueil familial au 02.38.25.47.80 ou sur le site du conseil départemental du Loiret.

Cindy Roudier-Valaud

Protection de l'enfance dans le Loiret : les propositions du Département