Association d'Assistants Familiaux Lorrains

Des dispositions relatives à l’exercice du métier d’assistant familial

16-01-2023

Selon les dernières données disponibles au niveau national au 31 décembre 2019, la population d’enfants et de jeunes confiés en protection de l’enfance est en augmentation et le nombre de ceux vivant en famille d’accueil s’établit à 76 100.

Proportionnellement, la part prise par l’accueil familial dans l’ensemble des accueils en protection de l’enfance tend à diminuer régulièrement depuis plusieurs années, passant de 46,8 % au 31 décembre 2017 à 42,1 % au 31 décembre 2019 75.

Entre 2017 et 2019, au niveau national, le nombre d’assistants familiaux répertoriés dans les effectifs des personnels départementaux de l’action sociale et médicosociale a diminué de 3 %, 36 410 assistants familiaux étant décomptés dans ces effectifs fin 2019 76 .

C’est dans un contexte de difficultés de recrutement d’assistants familiaux par les employeurs départementaux et associatifs, qui peinent depuis plusieurs années à renouveler leurs professionnels 77, que plusieurs dispositions de la loi du 7 février 2022 – portant majoritairement sur les conditions d’agrément et de travail – visent à « améliorer l’exercice du métier d’assistant familial ».

Le renforcement du contrôle des conditions d’accueil familial à travers l’agrément

Trois mesures renforcent la protection des mineurs accueillis, via l’obligation d’agrément préalable à l’exercice du métier d’assistant familial :

„ L’impossibilité d’obtenir un agrément en cas de condamnations pénales incompatibles avec l’exercice du métier est élargie à la présence de personnes majeures ou mineures âgées d’au moins 13 ans (autres que les jeunes accueillis) vivant au domicile du demandeur et inscrites au fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (article L. 421-3 du CASF modifié par l’article 21 de la loi du 7 février 2022).

„ L’impossibilité de délivrer un nouvel agrément avant l’expiration d’un délai approprié (qui doit être fixé par voie règlementaire) est instaurée concernant toute personne dont l’agrément a été retiré en raison de faits de violences commis à l’encontre de mineurs accueillis (article L. 421-6 du CASF modifié par l’article 30, 1o de la loi du 7 février 2022). Cette restriction porte sur la délivrance d’un nouvel agrément et non sur le dépôt d’une nouvelle demande. Les dispositions règlementaires devront donc apporter des garanties suffisantes en ce qui concerne les conditions de délivrance d’un nouvel agrément dans de telles circonstances, afin que cette mesure ne se traduise pas par un recul en termes de protection des enfants. 75 ONPE.

La population des enfants suivis en protection de l’enfance au 31/12/2019 : les disparités départementales. Op. cit. 76 Drees. Le personnel de l’action sociale et médico-sociale départementale (année 2020). Donnés disponibles en ligne : https://data.drees.solidarites-sante.gouv.fr/explore/dataset/3066_le-personnel-de-l-action-sociale-et-medico-sociale/ information. 77 Constat dressé et étayé dès 2015 par l’ONPE dans une étude dédiée : ONPE. L’accueil familial : quel travail d’équipe ? Paris : ONPE (rapport d’étude), juillet 2015. Disponible en ligne : https://onpe.gouv.fr/system/files/publication/20150710_ af_web_0.pdf. 24

„ La mise en place d’une base nationale recensant l’ensemble des agréments délivrés pour l’exercice de la profession d’assistant familial ainsi que les suspensions et retraits d’agrément est confiée au groupement d’intérêt public (GIP) chargé de la protection de l’enfance, de l’adoption et de l’accès aux origines personnelles. Cette base doit être constituée de données qui seront précisées par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) et qui feront l’objet d’un traitement automatisé. Elle a vocation à être consultée d’une part par les départements pour vérifier l’absence de retrait d’agrément à l’encontre d’un demandeur ayant changé de département, d’autre part par les employeurs d’assistants familiaux pour s’assurer de la validité de l’agrément des personnes employées (article L. 421-7-1 du CASF, article 30, 3o loi du 7 février 2022).

De nouvelles conditions de travail pour les assistants familiaux

Les conditions de travail relatives à la rémunération, à l’exclusivité d’emploi, aux congés sont modifiées (article 28 II de la loi du 7 février 2022). Il convient de noter que les dispositions présentées ci-après entreront en vigueur au plus tard le 9 septembre 2022, même si les décrets adaptant les dispositions réglementaires au nouveau cadre légal ne sont pas parus entre temps.

Des modifications apportées à la rémunération de base des assistants familiaux

La rémunération de base des assistants familiaux est augmentée et portée au niveau minimum d’un Smic mensuel pour un enfant accueilli (article L. 423-30 CASF, article 28, I, 5o de la loi du 7 février 2022). Par ailleurs, l’employeur doit désormais préciser dans le contrat de travail le nombre d’enfants ou de jeunes susceptibles d’être confiés à l’assistant familial en tenant compte des limites de son agrément (article L. 423-31 du CASF, article 28, I, 5o de la loi du 7 février 2022). Lorsque le nombre d’enfants effectivement confiés est inférieur aux prévisions du contrat du fait de l’employeur, la rémunération versée pour les accueils non réalisés ne peut être inférieure à 80 % de la rémunération prévue par le contrat (article L. 423-30 du CASF, article 28, I, 5o de la loi du 7 février 2022). L’ancien dispositif de l’indemnité d’attente (ancien article L. 423-31 du CASF), prévu pour gérer de façon souple les périodes d’attente entre deux accueils d’enfants sans interrompre le contrat de travail et qui était très critiqué comme vecteur de précarité des assistants familiaux, est ainsi supprimé.

Le maintien de salaire de l’assistant familial en cas de suspension de l’agrément

Pendant la période de suspension de fonction d’un assistant familial dont l’agrément a été suspendu (d’une durée maximum de quatre mois), le salaire hors indemnités d’entretien et de fournitures est désormais maintenu, ce qui met fin au régime de versement d’une indemnité compensatrice (article L. 423-8 du CASF, article 28, I, 4o loi du 7 février 2022).

Les règles nouvelles relatives au cumul d’employeur

Par rapport aux possibilités pour les assistants familiaux de cumuler des employeurs en fonction des places prévues dans leur agrément, situation susceptible de faire obstacle à leur bonne intégration dans une équipe d’accueil familial, un employeur peut désormais introduire une clause d’exclusivité dans le contrat de travail d’un assistant familial, sous réserve soit d’être en mesure de confier à cet assistant familial autant d’enfants que prévu dans son agrément, soit de compenser les restrictions d’accueil par un salaire correspondant au nombre de places prévues dans l’agrément (article L. 423-31 du CASF, article 28, I, 5o de la loi du 7 février 2022). 25

La possibilité d’attribuer un repos mensuel aux assistants familiaux

Un repos mensuel d’un samedi et dimanche consécutifs par mois peut être prévu dans le contrat de travail passé entre l’assistant familial et l’employeur, en supplément de la durée de congés payés accordée. Les conditions d’attribution prévues pour les congés payés (impossibilité pour l’assistant familial de se séparer des mineurs sans l’accord préalable de son employeur, lequel décide en fonction de la situation de chaque enfant et de ses besoins, obligation pour cet employeur d’organiser pour les enfants un accueil temporaire de qualité) s’appliquent au repos mensuel (article L. 423-33-1 du CASF, article 29 de la loi du 7 février 2022). Cette possibilité d’un repos mensuel risque sur le plan pratique de se heurter à l’obligation faite à l’employeur d’accorder un samedi et un dimanche consécutifs. Ceci implique en effet de ne pouvoir organiser le retour des enfants confiés qu’au moment de la reprise de la scolarité le lundi matin, ce qui présente des difficultés tant logistiques, matérielles qu’éducatives.

Dans la mise en œuvre de ces nouvelles dispositions, il conviendra de veiller à l’équilibre entre amélioration des conditions de travail des assistants familiaux et maintien d’une qualité d’organisation de l’accueil familial pour les enfants, par exemple en termes de recherche d’adéquation entre les profils des enfants et ceux des familles d’accueil auxquelles ils sont confiés.

Des mesures relatives au dispositif d’accueil familial

Quelques mesures concernent l’accueil familial en tant que dispositif de protection, impliquant non seulement des assistant familiaux mais également des travailleurs sociaux, des psychologues et des personnels d’encadrement et visant à répondre aux besoins fondamentaux des enfants protégés conformément à l’article L. 112-3 du CASF. Elles portent sur la généralisation des équipes pluridisciplinaires, sur l’extension des possibilités d’accueil d’urgence et sur l’accompagnement des jeunes accueillis jusqu’à la fin de leur prise en charge.

L’obligation pour l’employeur d’assurer un accompagnement des assistants familiaux

Prévue en 2005 pour les conseils départementaux en tant qu’employeurs d’assistants familiaux, l’obligation d’assurer un accompagnement et un soutien professionnel des assistants familiaux est généralisée à l’ensemble des employeurs. Le texte apporte également deux précisions très attendues pour le travail en accueil familial, d’une part l’intégration de l’assistant familial dans une équipe de professionnels qualifiés dans les domaines social, éducatif, psychologique et médical, d’autre part la participation de ce même assistant familial à l’élaboration et au suivi du projet pour l’enfant (article L. 421-17-2 du CASF, article 28, I, 1o de la loi du 7 février 2022). En 2015, le rapport d’étude précité de l’ONPE sur l’accueil familial insistait sur la nécessité que cet accueil ne repose pas sur le seul assistant familial mais s’exerce dans le cadre d’une équipe. Cette recommandation vise à tenir compte, d’une part, des enjeux émotionnels et des risques que l’accueil familial implique et, d’autre part, du besoin de favoriser un travail avec l’enfant et ses parents. L’étude souligne ainsi que le travail d’équipe émerge lorsque celle-ci « réussit, par une réflexion conjointe autour des pratiques et des activités de chacun de ses membres, à développer une représentation et une position commune du mode de résolution » d’une situation. D’où l’intérêt d’une participation des assistants familiaux à l’élaboration et au suivi du projet pour l’enfant, au regard des éléments essentiels qu’ils peuvent apporter en termes de connaissances des besoins fondamentaux des enfants qu’ils accueillent. 26

La réorganisation des accueils en urgence et de courte durée

Les possibilités d’organiser des accueils urgents et de courte durée par des assistants familiaux spécialisés percevant une indemnité de disponibilité spécifique sont réécrites (l’article initial L. 422-4 du CASF étant abrogé) pour être étendues à l’ensemble des employeurs publics et privés (article L. 423‑30-1 du CASF, article 28 de la loi du 7 février 2022). Il est à noter que la complexité de ces types d’accueil, traditionnellement organisés par les services d’ASE au titre de leur mission d’accueil d’urgence en protection de l’enfance fixée à l’article L. 221-1 du CASF, nécessite un accompagnement particulier des assistants familiaux 78.

La possibilité pour l’assistant familial de travailler au-delà de la limite d’âge légal

Afin de pouvoir assurer la poursuite de l’accompagnement d’un jeune accueilli et de ne pas créer de ruptures de prise en charge inappropriées, un assistant familial peut être autorisé, à sa demande et après avis du médecin de prévention, à travailler au-delà de la limite d’âge de départ à la retraite de 67 ans. L’autorisation est délivrée par l’employeur de l’assistant familial pour un an et peut être renouvelée selon les mêmes conditions, après avis du médecin de prévention et dans la limite de trois ans 79 (article L. 422-5-1 du CASF, article 31 de la loi du 7 février 2022). Cette possibilité de poursuivre son activité au-delà de l’âge légal de départ à la retraite est déjà ouverte aux assistants familiaux employés par des personnes morales de droit privé par l’article L. 1237-5 du Code du travail.

Les nombreuses dispositions prévues par la loi du 7 février 2022 posent la question de leur financement qui conditionne leur mise en œuvre concrète. S’agissant en particulier des dispositions relatives aux assistants familiaux et à l’amélioration de leur rémunération pour l’accueil d’un premier enfant, dans le cadre des travaux parlementaires le rapporteur du texte au Sénat soulignait « qu’une fois encore les mesures proposées dans ce projet de loi provoqueront des dépenses supplémentaires pour les départements auxquelles l’État n’apporte aucune compensation ». Il relevait également : « Pour les départements dont les marges de manœuvres financières sont restreintes, la combinaison des dispositions relatives aux assistants familiaux avec les autres mesures prévues dans le projet de loi risque d’engendrer de sérieuses difficultés. » 80 Selon l’étude d’impact, le coût annuel moyen par département de l’augmentation de rémunération au Smic dès le premier enfant confié à l’assistant familial serait de 473 010 euros, avec une fourchette allant de 0 à 2 447 845 euros selon les collectivités 81. Cependant les premiers retours des départements depuis la promulgation de la loi montrent que les sommes engagées pour mettre en œuvre l’ensemble de la réforme seront finalement bien supérieures aux budgets initialement envisagés. 78 Pour exemple, voir le dispositif d’hébergement en famille d’accueil de l’établissement public départemental Le Charmeyran en Isère présenté dans L’accueil familial : quel travail d’équipe ? (op. cit., p. 31-32). 79 Cet article reprend le principe d’une disposition ancienne fixée par une circulaire ministérielle du 4 juillet 1984 modifiée par la circulaire ministérielle du 9 avril 1985, qui autorisait les assistants familiaux concernés à cumuler leur pension de retraite et leur salaire. 80 Bonne Bernard. Rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la protection des enfants. No  74. Paris : Sénat, 20 octobre 2021. Disponible en ligne : https://www.senat.fr/rap/l21-074/l21-0741.pdf. 81 Assemblée nationale, étude d’impact du projet de loi relatif à la protection des enfants, 15 juin 2021 : https://www. assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b4264_etude-impact.pdf. 27 Par ailleurs, au regard des difficultés actuelles de recrutement et des nécessités importantes d’accueils pour les enfants confiés, il aurait été particulièrement utile à l’occasion de cette réforme d’étudier et d’ouvrir les possibilités d’employer dans cette profession des personnes se trouvant par ailleurs en situation de salariat ou d’activité libérale. Quelques expériences menées en ce domaine montrent que, si ces candidats ne s’orienteront pas vers une carrière en protection de l’enfance, ils peuvent être en mesure d’accompagner un enfant en apportant, à ceux pour lesquels cela convient, une expérience de vie différente répondant à leurs besoins.