Association d'Assistants Familiaux Lorrains

Magali panova, itinéraire d'une enfant placée. ep01: le schéma de la honte

04-07-2022

Magali adorait l'école et aurait aimé faire de longues études. Il n'en n'a rien été. Déscolarisée dès l'entrée au collège, quand elle a été placée à l'Aide Sociale à l'Enfance, elle intervient aujourd'hui auprès des professionnels de la protection de l'enfance pour témoigner des failles du système.

Un jour de 2015 Magali tombe par hasard sur une interview de Laurence Rossignol, alors Secrétaire d'Etat en charge des familles, au sujet de la réforme de la protection de l'enfance que la ministre souhaite mettre en place et qu'elle veut axer sur les besoins et les droits de l'enfant. Une vaste concertation va être menée avec d'anciens enfants placés afin d'améliorer leur prise en charge.

Magali est alors persuadée que seuls les enfants qui s'en sont bien sortis seront consultés. Le “haut du panier”, qui donnera une image “formidable” de la protection de l'enfance. Elle rédige donc une longue lettre à l'intention de la ministre pour relater son propre parcours à l'ASE - l'Aide Sociale à l'Enfance, l'institution qui prend en charge les enfants maltraités - fait d'aberrations et d'incompréhension.

A sa grande surprise, le cabinet de la ministre lui répond et l'invite à venir participer à la remise de la concertation au ministère afin d'apporter son témoignage.

Pour la première fois, Magali raconte son parcours difficile, les défaillances de sa famille – où l'on est placé de générations en générations depuis l'arrière-grand-père – la désocialisation, la violence, puis ce placement à l'âge de douze ans arrivé bien trop tard et qui, du fait de l'incompréhension de sa personnalité, conduira à sa déscolarisation dès l'entrée au collège. Durant toute la durée de son placement, Magali ne sera jamais allée à l'école alors qu'elle était douée, qu'elle adorait cela, et que son rêve aurait été de faire de longues études.

Moi, je rêvais de faire de longues études : j'aurais voulu être Indiana Jones, être capable de découvrir la pierre de Rosette ! J'adorais l'école, j'étais complètement exaltée à l'idée de découvrir de nouvelles choses. Et j'étais bonne, je me sentais dans mon élément. Bon, aujourd'hui j'ai bac moins 10.

Suite à cette rencontre avec les membres du cabinet de la ministre, Magali commence à intervenir au cours de séances de formation des professionnels de la protection de l'enfance. D'abord à l'ENPJJ (l'Ecole nationale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse), puis au CREAI (le Centre Régional d'Etude, d'Action et d'Information – la branche formation de l'Agence régional de Santé) dont elle est devenue l'une des administratrices. La première issue de la protection de l'enfance.

Parallèlement, Magali est également traductrice en russe. Elle a passé sa licence en VAE (Validation des Acquis par l'Expérience), sans jamais être allée à la faculté.

Dans ce premier épisode de notre rencontre, Magali Panova revient sur son histoire familiale et raconte le schéma de la honte qui habite les anciens enfants placés, quand les familles sont défaillantes et que tout est conditionné à leur capacité de survie.

Quand je rentrais chez moi à midi ma mère n'était pas là et elle ne m'inscrivait pas à la cantine. Je restais tout le repas de midi assise sur le seuil de la porte, à ne pas manger. Tout le monde passait et voyait bien que je ne rentrais pas chez moi et que je ne mangeais pas non plus. C'était juste la honte, en fait. Et puis l'odeur de la bouffe sous les portes des voisins… j'avoue que ça me reste en travers de la gorge.