Association d'Assistants Familiaux Lorrains

Protection de l’enfance : le décret interdisant le placement en hôtel enfin publié raphaël lichten | 21 février 20241

04-03-2024

Paris, le mercredi 21 février 2024 – Les enfants et les jeunes de l’aide sociale à l’enfance (ASE) vont-ils enfin pouvoir profiter de conditions d’hébergement et de placement dignes ? Rien n’est moins sûr selon plusieurs représentants politiques et militants des droits des enfants, qui regrettent que le placement en hôtel soit toujours possible, malgré une interdiction marquée dans la loi.

Le suicide d’une adolescente de 15 ans, dans le Puy-de-Dôme, fin janvier, avait réveillé les consciences. Enfant placée, elle était hébergée dans un hôtel, un lieu hautement inadapté aux jeunes de l’ASE, qui n’y disposent de presque aucun encadrement.

« On n’intéresse personne », se lamente Lyes Louffok, ancien enfant placé et désormais militant des droits de l’enfant. « Il y a cette sensation assez révoltante de se dire qu’il y a des vies qui comptent moins que celles des autres, celles qui touchent les vies d’enfants placés ».

L’affaire, qui succède à d’autres drames, a fait l’effet d’un électrochoc. Le gouvernement a finalement publié le décret interdisant officiellement le placement des enfants ASE dans les hôtels, mais les militants et politiques restent inquiets.

Le décret enfin publié au 1er février 2024

Le Parlement a adopté, en 2022, la loi Taquet, qui prévoit l’interdiction de placer les jeunes de l’ASE en hôtel sauf « à titre exceptionnel pour répondre à des situations d’urgence ou assurer la mise à l’abri des mineurs » ne devant pas excéder deux mois.

Mais, même à titre d’exception, ces situations auraient dû être évitées à tout prix. « Dans ces hôtels, les enfants sont livrés à eux-mêmes, vulnérables à la prostitution et aux trafics. Les éducateurs ne passent que rarement, les hôteliers leur donnent à manger. C’est obérer leur avenir que ne pas leur donner d’accompagnement socio-éducatif », relève Perrine Goulet, députée MoDem de la Nièvre et présidente de la délégation aux Droits des enfants.

La publication, le 1er février, du décret d’application de la loi Taquet marque donc une bonne nouvelle : toute personne de moins de 21 ans relevant de l’ASE ne pourra plus être logée dans un hôtel.

Une importante exception subsiste, toutefois, concernant les centres de vacances, où l’hébergement restera possible dans une situation d’urgence et pour deux mois maximum. Mais le décret prévoit une « surveillance de nuit comme de jour au sein de la structure » avec un professionnel formé, comme le précise le ministère chargé de l’Enfance, de la Jeunesse et des Familles.

« C’est plutôt un “encadrement” du placement hôtelier »

Si les militants et les politiques spécialistes de la question estiment que la publication de ce décret était nécessaire, ils pensent que le texte ne va pas assez loin. « Si le texte de loi pose un principe d’interdiction du placement des mineurs dans des hôtels, un tas d’exceptions et de dérogations ont été retenues dans le décret », explique Lyes Louffok auprès du Huffington Post. « Je pense que c’est une erreur de parler d’interdiction : c’est plutôt un “encadrement” du placement hôtelier ».

En effet, les enfants de 16 ans et plus pourront toujours être hébergés dans des hôtels spécifiquement habilités en tant que lieu de placement et d’accueil par les départements. « On dit qu’on interdit les hôtels, mais dans le même temps, on autorise les hôtels à se faire habiliter par le département, et donc à changer de statut, pour pouvoir être encore utilisés comme lieu d’hébergement », souffle Lyes Louffok. Concernant les moins de 16 ans, l’interdiction est néanmoins inscrite dans le marbre législatif.

Du côté de la prise en charge des mineurs, le décret semble aussi insuffisant. « J’aurais aimé qu’on fixe le niveau de qualification des professionnels présents, le nombre d’enfants dont ils ont la charge, si leur présence est obligatoire de jour comme de nuit… Le décret ne répond pas à ça », regrette Lyes Louffok, qui fait remarquer qu’une personne avec un simple BAFA pourrait exercer comme encadrant.

« Quoiqu’il arrive, la place d’un enfant n’est pas dans un hôtel, mais le minimum, pour assurer leur sécurité, ce serait la présence d’une personne ayant un diplôme d’État d’éducateur spécialisé pour quatre enfants, de jour comme de nuit », ajoute le militant des droits de l’enfant.

Mais surtout, un autre problème de taille subsiste : le manque de moyens. « Parfois nous n’avons pas le choix. C’est l’hôtel ou la rue ! », fulmine l’Assemblée des départements de France (DF). Pour François Sauvadet (UDI), ancien député et président de DF, la loi Taquet est inapplicable dans « les conditions actuelles de saturation des structures de l’ASE et de chute des recettes des départements ».

Un manque de moyens qui ne surprend pas vraiment les professionnels du secteur et les militants de la cause. « En France, on ne se donne pas les moyens de protéger les enfants », regrette, pour conclure, Lyes Louffok.

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