Association d'Assistants Familiaux Lorrains

La protection de l’enfance est en danger, le cese a adopté l'avis

18-11-2024

https://youtu.be/5EgHIKL-fDo

Avis adopté

Le Conseil économique, social et environnemental a adopté le mardi 8 octobre son avis « La protection de l'enfance est en danger : les préconisations du CESE" présenté par Josiane Bigot (Groupe Familles) et Elisabeth Tomé-Gertheinrichs (Groupe Entreprises).

L'avis a été adopté avec 121 voix pour et 1 abstention.

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La protection de l'enfance traverse une crise systémique

Les chiffres résument à eux seuls l'urgence à agir pour la protection de l'enfance :

En France :

◊ 344 682 mineurs ou jeunes majeurs sont pris en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE) toutes prestations et mesures confondues, en augmentation de 18 % depuis 2011 selon l’ONPE

◊ 2 000 enfants étaient dans la rue en aout 2024 selon l’UNICEF dont près de 500 avaient moins de 3 ans

◊ plus de 70 % des juges pour enfants disent avoir déjà renoncé à prendre des décisions de placement d’enfants en danger faute de solutions

Entre déficit d’ambition collective, désorganisation et épuisement des acteurs

Saisi en mars 2024 par le Président du Sénat pour recueillir le point de vue de la société civile sur l’évaluation des lois de 2007, 2016 et 2022 de la protection de l’enfance, le CESE a commencé ses travaux alors qu'une commission d’enquête de l'Assemblée nationale se penchait également sur ce sujet, cette mobilisation des trois assemblées de la République montrent l'importance et l'urgence à agir.

« La saisine du CESE se situe dans un contexte double, d'une part une émotion très vive de l’opinion publique à la suite d’une succession de faits divers et d’enquêtes médiatiques, contrastant avec des avancées législatives réelles depuis 50 ans vers une protection accrue des enfants et une reconnaissance de leur individualité propre et de leurs droits. D'autre part, une crise gravissime des prises en charge rappelée le 25 septembre par la mobilisation nationale des professionnels qui défendent l’essence et l’existence de leur mission de protection des enfants : manque de budget et pénurie de personnel, jusqu’à 40 % de vacance dans ce secteur. » Josiane Bigot, co-rapporteure de l'avis.Les nombreuses auditions menées par le CESE et l'étude de multiples rapports sur ce sujet a permis au Conseil de réaliser un bilan, qui pointe la crise systémique de la protection de l’enfance : pas de statistiques, pas d'évaluations, peu de contrôles, des ressources et des moyens budgétaires insuffisants, une non-exécution préoccupante de décision de justice, une gouvernance complexe et mal coordonnée, de graves problèmes de recrutements et de valorisation des métiers …

Son constat : entre déficit d’ambition collective, désorganisation et épuisement des acteurs, la protection de l'enfance est en danger. Le CESE alerte sur des dysfonctionnements qui persistent ou s’aggravent et l’énorme décalage qui se révèle entre le cadre protecteur et complet des lois existantes et leur réelle application sur le terrain. Selon les rapporteures, la protection de l’enfance est un cas d’école de la non-effectivité des politiques sociales.

« Nous avons décidé de nous intéresser à la gouvernance de cette politique sociale, et d’interroger le rôle -pour ne pas dire la démission- de l’Etat. De même, est apparue la question centrale des professionnels sans qui rien ne pourra se faire, de l’attractivité des métiers de la protection de l’enfance et des conditions dans lesquelles s’exercent leur mission. Notre constat : entre déficit d’ambition collective, désorganisation institutionnelle et découragement des acteurs, la protection de l’enfance est en danger. » Elisabeth Tomé-Gertheinrichs, co-rapporteure de l'avis

Pour le CESE, entre la loi et les faits divers il y a le silence des enfants confiés à l'Aide sociale à l'enfance, qui par définition ne peuvent pas prendre publiquement la parole et parler de ce qu’est leur vie. Il est essentiel pour la société civile organisée de les entendre et de rendre effectif le droit à la protection de chaque enfant quel qu’il soit.

Les préconisations du CESE

Quatre points structurent les 20 préconisations du CESE.

1. Appeler l’Etat et les départements à assumer leurs responsabilités et à coordonner le pilotage

  • Comment ?

En faisant réaliser chaque année par « France Enfance Protégée » et pour tous les départements un état des lieux complet des capacités d’accueil et des besoins pour sortir la protection de l’enfance de l’invisibilité statistique

En adoptant une stratégie interministérielle de prévention et de protection de l’enfance renouvelée tous les 2 ans. L’État doit être garant de son application égale dans tous les départements à travers une contractualisation, un mécanisme de suivi, une péréquation et des incitations financières

En accélérant l’expérimentation des Comités départementaux pour la protection de l’enfance (CDPE), auxquels les Observatoires départementaux de la protection de l’enfance (ODPE) devraient être rattachés pour assurer un dialogue permanent entre tous les acteurs de terrain.

2. Protéger efficacement l’enfant malmené par le système

  • Comment ?

En développant l’action préventive de toutes les instances auprès des familles

En faisant de l’effectivité du Projet pour l’enfant (PPE) co-construit avec lui, ses parents et les acteurs concernés, un prérequis à l’attribution de financements aux départements

En renforçant les actions éducatives en milieu ouvert et en diversifiant les modes de prise en charge : petites unités de vie, réduction du nombre d’enfants suivis par chaque travailleur social

En assurant à l’enfant un accompagnement précoce et global (éducatif, scolaire, thérapeutique) : garantir l’accueil rapide en pédopsychiatrie, systématiser des conventions avec les MDPH et les ARS, développer les lieux de prise en charge pluriprofessionnelle, contrôler l’effectivité des dispositifs d’accompagnement des jeunes majeurs à leur sortie de l’ASE.

3. Faire respecter les droits des enfants

  • Comment ?

En prévoyant l’assistance systématique auprès de l’enfant d’un avocat spécialisé, en donnant un statut à l’administrateur ad hoc pour représenter en justice les intérêts de l’enfant

En assurant la participation permanente et effective des jeunes concernés aux CDPE

En créant un code de l’enfance regroupant l’ensemble des dispositions relatives aux droits, libertés et devoirs des enfants

En créant une autorité nationale indépendante de contrôle des structures d’accueil des enfants protégés qui aura la possibilité d’accéder à tout moment aux structures.

4. Garantir de façon transversale la prise en charge des enfants par des professionnels suffisamment nombreux et bien formés

  • Comment ?

En améliorant concrètement l’attractivité, la formation initiale et continue, la rémunération, les conditions de travail des personnels de la protection de l’enfance sans qui aucune amélioration ne sera possible

En publiant sans délai le décret sur le socle minimal d’encadrement des enfants en accueil collectif,

et en instaurant un nombre maximal de mesures suivies par professionnel en milieu ouvert.

Table ronde et témoignages

Lors de la séance plénière au cours de laquelle il a présenté ses préconisations, le CESE a donné la parole à de nombreux intervenants : anciens enfants placés, médecins, conseil départemental....

Marie Rose Moro, Professeure Université de Paris Cité, PCPP, Inserm, Cheffe de service, Maison de Solenn, AP-HP, HUPC,Hop Cochin

une table ronde avec les interventions de Davy Beauvois du Comité de vigilance des enfants placés. Anne Devreese, Présidente du Conseil national de la protection de l'enfance et Stéphane Troussel, Président du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis.

L'intervention en vidéo du Professeure Céline Gréco, Cheffe du service de médecine de la douleur et palliative à l'Hôpital Necker-enfants malades.

Vous pouvez retrouver l'intégralité de la séance ici.

Le CESE et ses nombreux travaux sur l'enfance

Le CESE avait en 2018 déjà travaillé sur ce sujet essentiel avec l'avis : Prévenir les ruptures dans les parcours en protection de l’enfance rapporté par Antoine Dulin. Le CESE déplorait le traitement réservé aux enfants et aux jeunes pris en charge par l'ASE et proposait des préconisations visant deux priorités :

  • l’amélioration des parcours ;
  • la consolidation de l’accompagnement dans la transition vers l’autonomie.
  • Les métiers de la cohésion sociale rapporté par Evanne Jeanne Rose en 2022

" Un avis du CNPE datant de 2020 indiquait le besoin pour le secteur, d’engager des réflexions sur les normes et modalités d’encadrement des structures relevant de la protection de l’enfance."

  • Les métiers en tension rapporté par Pierre-Olivier Ruchenstain en 2022

" Pour certaines professions, deux des facteurs de perte d’attractivité (insuffisance de reconnaissance matérielle ; conditions de travail contraignantes) se cumulent. C’est, par exemple, le cas aujourd’hui des personnels hospitaliers : infirmiers, sages-femmes, et également animateurs et animatrices enfance/jeunesse, éducateurs et éducatrices spécialisés, etc… "

  • Le sens de la peine rapporté par Danièle Jourdain-Menninger et Alain Dru en 2023

La chaine pénale reproduit les inégalités et donne peu de chance à la réinsertion. 41% des détenus et 37% des détenues ont fait l’objet d’une mesure d’assistance éducative dans l’enfance selon une étude de la Fédération régionale de recherches en psychiatrie et santé mentale Hauts-de-France*

* Auteurs de l'étude :Thomas Fovet, Camille Lancelevée, Marielle Wathellet, Oumaïma El Qaoubli, Pierre Thomas), La santé mentale en population carcérale sortante : une étude nationale, décembre 2022