Témoignage d’hélène, assistante familiale : « on fait en sorte que la cicatrice soit la plus jolie possible »
20-01-2025
À 43 ans, Hélène* exerce un métier que peu de personnes connaissent finalement vraiment : celui d’assistante familiale. Depuis 10 ans, elle accueille chez elle un enfant, aujourd’hui âgé de 14 ans. Elle nous raconte ce choix de vie.
Devenir assistant familial n’est pas un métier qu’on choisit au hasard. Hélène a fait ce choix il y a maintenant 10 ans et ne l’a jamais regretté. En 2013, elle a 30 ans, travaille depuis 10 ans à la SNCF et est déjà maman d’un petit garçon. C’est en voyant sa tante assistante familiale que l’envie naît. Trois ans lui seront nécessaires pour mûrir ce projet… de vie. Elle rencontre d’autres assistants familiaux, s’imprègne de leur quotidien et découvre la réalité de cette profession loin des clichés, des séries ou des faits divers glaçants.
« Avant de faire ma demande d’agrément, je voulais être très au clair sur mon projet d’accueil. Ce n’est pas juste un métier. ». Elle obtient son agrément en 2013, puis est embauchée par le Conseil départemental en 2014 et suivra une formation d’une durée de 60 heures. Elle confie : « On arrive dans ce métier en fait avec plein de certitudes, on pense qu’on va changer le monde. Ensuite, on réalise qu’on fait ce qu’on peut, et c’est déjà beaucoup. »
Une rencontre de coeur
Hélène opte dans un premier temps pour un accueil occasionnel. C’est ce qu’on appelle l’accueil relais. « J’héberge un petit garçon, Benjamin*, 4 ans, un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires. Au départ, je fais ce choix parce que je veux m’assurer que mon enfant est vraiment prêt à partager son papa et sa maman. » Quelques mois plus tard, elle décide d’allonger la durée d’accueil à tous les week-ends et toutes les vacances.
Puis, Benjamin arrive à temps plein le 18 décembre 2014, il vit toujours chez elle aujourd’hui. « C’est une rencontre de cœur », glisse-t-elle avec émotion, avant d’ajouter. « Il est certain que les enfants qui sont accueillis sur du long terme s’en sortent mieux. Cela leur donne une certaine stabilité, mais notre but reste in fine que l’enfant puisse retourner vivre chez ses parents. » Le cas de Benjamin est particulier, puisqu’il est pupille de l’État. Il a aujourd’hui 14 ans et grandit aux côtés du fils aîné d’Hélène, qui a 18 ans et du petit dernier âgé de 9 ans. « Les relations sont bonnes, après, comme dans toutes les fratries, il y a des disputes, des chamailleries. »
Des enfants carencés
Être accueillant familial, c’est faire face aux lourdeurs administratives, aux relations parfois compliquées avec les institutions, mais c’est aussi faire grandir un enfant carencé affectivement. « Ce sont des personnes qui ne se sentent pas aimables, souligne Hélène. Benjamin va plutôt bien, mais, comme tout enfant de l’ASE, il a un trouble de l’attachement. Il a sans cesse besoin d’être réassuré, qu’on lui montre qu’on est là pour lui, qu’il n’est pas responsable de la situation. Nous ne sommes pas des magiciens, nous sommes là pour aider à ce que la cicatrice soit la plus jolie possible. »
Besoin de répit
Hélène n’a jamais souhaité accueillir en temps plein un deuxième enfant, mais elle a un deuxième agrément qu’elle utilise pour de l’accueil occasionnel. « Je dépanne des collègues qui veulent partir en vacances ou qui ont simplement besoin de souffler, ne serait-ce qu’un week-end. Mais j’ai choisi de faire une pause, parce qu’avec l’adolescence, je souhaite me consacrer pleinement à mon accueil permanent. » Pour prévenir l’épuisement professionnel, une proposition de loi visant à reconnaître l’obligation d’un droit au repos pour les assistants familiaux a d’ailleurs été déposée en novembre 2024.
« Vous ne réalisez pas le nombre de restrictions que nous avons. Nos propres enfants peuvent aller dormir chez les copains, chez les grands-parents, sortir un après-midi faire du shopping. Pour l’enfant placé, c’est beaucoup plus compliqué. Il faut des autorisations permanentes, cela enlève toute spontanéité. Tant qu’il n’est pas majeur, il faut être tout le temps avec lui, il vit un peu en vase clos avec nous. Les pouvoirs publics n’arrivent pas à se mettre en tête que le répit est nécessaire pour nous, mais aussi pour les enfants qu’on accueille. Il leur faut un “ailleurs.” »
Entre optimisme et inquiétudes
Bien qu’elle soit de nature optimiste, Hélène est inquiète pour l’avenir : la pénurie de professionnels, l’augmentation constante du nombre d’enfants concernés par une mesure de l’ASE. Des enfants qui sont de plus en plus fragiles avec de graves troubles psychiques. « Il s’agit d’un métier difficile, usant, qui demande un réel engagement. Nous, nos heures, on ne les compte pas. C’est du 24 h sur 24, 7 jours sur 7, je comprends que cela puisse faire peur, décourager parfois. » Hélène a la chance d’avoir une famille relais sur qui s’appuyer depuis six ans maintenant, mais ce n’est pas le cas de tous.
Face à la crise sans précédent que connaît le secteur de la protection de l’enfance, l’assistante familiale regrette que ce métier soit encore méconnu et pas assez valorisé. « Notre travail consiste à observer, analyser, mettre en œuvre un véritable projet pour l’enfant. Nous avons des qualifications, nous sommes formés en continu, ce n’est pas un job d’appoint », insiste-t-elle. Alors, certes un manque de reconnaissance, mais tellement de moments de satisfaction au quotidien qu’elle énumère sourire aux lèvres. « Je crois qu’il n’y a pas de mots pour décrire ce que ces enfants nous apportent. Une énorme richesse, une fierté lorsqu’on voit que finalement ils s’en sortent aussi bien que les autres, parfois même mieux. On se dit que le travail est accompli. »