Association d'Assistants Familiaux Lorrains

"je ne les appellerai jamais maman ou papa. mais c’est tout comme" : yona a été placée en famille d'accueil à trois semaines et un jour

01-03-2025

A l'ANTENNE – Yona, placée à trois semaines et un jour, se construit avec quatre parents : ses parents biologiques, et Maryvonne et Lionel, qui l'ont accueillie en famille d'accueil. Quels sont les liens authentiques qui unissent Yona à sa famille singulière, loin des stéréotypes sur les placements familiaux ?

Le titre du documentaire “Trois semaines et un jour” fait référence à l'âge auquel la petite Yona a été placée en famille d'accueil, parce que sa maman, malade, et son papa débordé n'étaient pas aptes à l'élever. Un portrait qui ne cherche pas à faire pleurer dans les chaumières et qui ne se base pas non plus sur d'hypothétiques déchirements entre les membres d'une famille, pimentés de rivalités et de jalousies. Il n'ajoutera pas non plus à l'opprobre sur les dérives des placements.

Ici, pas de petite Cosette. Yona a du tempérament, elle est pétillante et drôle, profonde et aimante, directe, incisive parfois. Yona est sans filtre, naturelle et vraie.

Pendant 4 ans, sa sœur adoptive, la réalisatrice Laëtitia Gaudin Le Puil, a filmé des instants de vie restitués dans ce documentaire qui met en avant les liens du sol et du cœur ainsi que le métier d'assistante familiale.

Trois semaines et un jour

Yona a été placée le 19 juillet 2002 dans le cadre d'un accueil provisoire, une mesure administrative permettant la prise en charge d'un mineur avec l'accord écrit des détenteurs de l'autorité parentale. Une mesure qui se distingue d'un placement judiciaire, pris par le juge des enfants lorsqu'il estime que le maintien de l'enfant dans son milieu familial l'expose à un danger.

L'accueil provisoire de Yona, initialement prévu pour trois mois, s'est largement prolongé chez Maryvonne et Lionel, surnommés tata et tonton depuis qu'elle a prononcé ses premiers mots. Quand elle a eu dix ans, la petite fille est retournée vivre trois ans chez son papa. Elle se revoit et s'entend encore hurler dans les escaliers à l'annonce de ce transfert, puis plus rien. Parfois, il est plus facile d'oublier que de se frotter à une parenthèse compliquée.

Cette phrase figure dans le dossier de Yona, qu'elle consulte avec sérieux et émotion, entre froncements de sourcils, visage fermé et sourires complices, lorsqu'elle va à la rencontre de la petite fille qu'elle était, auprès de Maryvonne qui l'accompagne dans cette démarche.

Lorsqu'un enfant est pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, un dossier administratif est créé, comprenant des rapports sociaux, des décisions judiciaires, ainsi que des informations sur le placement, la scolarité et la santé. Un droit d’accès à ces éléments existe selon le code des relations entre le public et l’administration (articles L 300-1 à R 311-15).

La consultation permet de comprendre son parcours, les circonstances de la prise en charge et d’obtenir des documents nécessaires pour certaines démarches administratives (attestations, bulletins, etc.). Pour rechercher ses origines, il faut contacter le Conseil National pour l’Accès aux Origines Personnelles. L’accès au dossier peut être restreint selon la situation de l’enfant.

La bonne décision

Yona est en accord avec la décision prise à son égard. "J'ai été placée super tôt, j'avais 20 jours, directement j'ai eu un cadre, j'étais à l'écart de tout ce qui pouvait se passer dans ma famille, j'étais protégée de tout cela et ça m'a aidée".

Maryvonne est une femme au grand cœur qui a accueilli seize placements à temps complet et pris en charge de nombreux relais. Le métier d'assistante familiale, exigeant et profondément humain, joue un rôle crucial dans l'équilibre des enfants qui lui sont confiés.

L'aventure n'aurait sûrement jamais été la même si Maryvonne n'avait pas été soutenue par son mari Lionel, "le tonton' de Yona". Cette empathie familiale a certainement contribué à nourrir chez la jeune fille une vocation. Elle deviendra infirmière, un métier qui, tout comme celui d'assistante familiale, demande des qualités humaines.

Un arbre généalogique ramifié et atypique

L'arbre généalogique de Yona s'ancre dans ses origines africaines et celles qui ont pris racine dans le village de Lanvénégen dans le Morbihan.

“J'ai une maman, j'ai une tata qui est aussi une maman. J'ai un tonton qui est aussi un papa, et un papa qui n'est pas trop un papa parce qu'il est nul, mais c'est quand même mon papa. Ensuite, j'ai des frères et des sœurs. Moi, j'ai plus de monde dans mon arbre généalogique.”

“Pour moi, il n'y a pas de modèle exact. Ce sont des membres qui se choisissent ou qui ne se choisissent pas forcément, qui ont des liens ou pas. Après, je pense qu'il n'y a pas vraiment de schéma, c'est propre à chacun.”

Yona a trouvé une place à chacun dans son cœur, une forme de résilience qui ne l'empêche pas de défendre ses points de vue avec un sens de la repartie à la fois naturel et authentique.

Son papa, dont elle ne connaît pas l'âge exact puisqu'il "prend un an tous les quatre ans", ne correspond pas aux valeurs du couple et de la famille qu'elle porte aujourd'hui, inspirée par l'équilibre et la continuité de Maryvonne et Lionel, qui lui ont transmis un cadre stable.

Yona n'est pas en rupture avec ses parents biologiques. Elle a maintenu le lien, ce qui lui apporte une profondeur dans la manière dont elle se construit, intégrant à la fois ses racines et la stabilité que lui ont apportée ses 'tata et tonton'."

Quand les rôles s'inversent

Si Lionel a joué un rôle paternel lorsque Maryvonne a accueilli Yona dans le cadre de son emploi d'assistante familiale au sein de l'ASE, la situation a évolué à mesure que l'adolescente grandissait. Lionel, atteint par la maladie de Charcot, perdait peu à peu sa mobilité. À l’écoute de son tonton et impliquée dans son parcours médical, Yona a été là pour lui, comme il l’avait été pour elle.

Maryvonne et Lionel souhaitaient adopter Yona, avec la bénédiction de leurs enfants, mais Lionel n'a pas eu le temps de concrétiser ce projet.

Maryvonne a poursuivi ses démarches seule, et Yona, dans le cadre d'une adoption simple, est devenue officiellement sa fille tout en conservant ses liens avec sa famille d'origine.

Laëtitia Gaudin Le Puil, réalisatrice du documentaire "Trois semaines et un jour", saisit avec transparence et authenticité l’intimité familiale de sa sœur Yona. Une véritable déclaration d’amour pour ses proches et un hommage à la beauté d'âme de Lionel et de Maryvonne.

"Je ne les appellerai jamais maman ou papa. Mais c’est tout comme" : Yona a été placée en famille d'accueil à trois semaines et un jour