« ce n’était pas des hommes mais des religieuses » : quand betharram réveille les souvenirs de rémi, enfant placé
27-03-2025
Grâce à la consultation de son dossier auprès des services sociaux, le photographe toulousain Rémi Benoit, la cinquantaine, a pu retracer son triste parcours d’enfant placé. Une histoire qu’il raconte dans un livre tout juste réimprimé, où il mêle souvenirs personnels et observations sur l’administration.
Par Paul Périé Le 18 mars 2025 à 10h51
C’est peu dire que les révélations autour de Notre-Dame de Bétharram et de Notre-Dame de Garaison trouvent une résonance particulière chez Rémi Benoît, photographe toulousain. Surtout chez l’enfant qu’il a été, placé dans un établissement religieux dans les Pyrénées entre 2 et 8 ans. « Ce n’était pas des hommes, mais des religieuses. Mais cela me rappelle ce que j’ai vécu, les mauvais traitements. Pour autant, je ne peux pas dire que mon établissement était maltraitant envers tout le monde », insiste Rémi Benoit, seul garçon d’une fratrie de huit enfants, aujourd’hui quinquagénaire.
Son histoire, qu’il dévoile dans un livre « Alors, heureux ? », tout juste réimprimé, est bien différente. C’est celle d’un adulte sensible, à fleur de peau qui, des décennies plus tard, a voulu « raconter le parcours d’un gamin placé, replacé, déplacé, séparé de ses sœurs ». Un chemin sinueux qui explique sans doute en partie pourquoi il a toujours eu du mal à trouver sa place. « J’ai vécu ça comme une injustice. Je n’ai pas eu les bases solides, les référents pour construire ma vie d’adulte. Même si j’ai une fille, je n’ai pas construit de famille », reconnaît aujourd’hui à regret le photojournaliste.
Et c’est ce « mal-être » qui l’a poussé, en janvier 2023, à entreprendre les démarches pour retrouver les pièces manquantes du puzzle de sa vie. « Des hospitalisations liées à des soucis de santé, la solitude, le confinement ont accentué ce vide. Et, avec l’âge, j’avais envie de crever l’abcès. J’ai toujours pensé que je raconterais ça un jour, mais je n’avais que mes souvenirs, et ce n’était pas suffisant à mes yeux pour écrire un livre. »
Ayant découvert qu’une loi de 1978 permet aux enfants placés de consulter leur dossier, Rémi Benoit a donc fait une demande d’accès aux archives, avec la crainte de ne rien trouver. La démarche est très encadrée et les requérants peuvent bénéficier de l’aide psychologique d’un référent à l’ouverture. Car la découverte est un choc, une claque. « C’est très émouvant. Tu découvres toute ton enfance écrite, annotée, tu retrouves des photos, des dessins… », raconte Rémi Benoit, qui a poussé ses recherches plus loin. Il a ensuite accédé au dossier familial, puis à celui de ses deux parents. De quoi lui permettre de comprendre leur vie difficile et les raisons du placement de la fratrie.
C’est tout cela, qu’avec pudeur mais sans fard, le photographe amoureux des mots et des jeux de mots raconte au fil des pages sur la bande-son des années 1980. « La musique est un fil rouge. C’est sans doute ce qui m’a aidé à tenir, elle a calmé mon manque d’affection », décrypte celui qui se voit encore en train d’énumérer dans sa tête, à 5-6 ans, tous les chanteurs qu’il connaissait. Dans ces lignes, pas de haine ni de colère, juste le récit lucide d’une enfance sombre que quelques rares moments de bonheur viennent éclaircir. Une histoire où sa voix se mêle à celle des assistantes sociales qui ont suivi son dossier.
Bientôt une bande dessinée ?
Car ce livre n’est pas qu’une catharsis, mais aussi le partage d’une vie dont les cahots ont forgé un homme. « Forcément, tu apprends l’autonomie, la résilience, tu te débrouilles seul », poursuit Rémi Benoit. Créatif de talent, il a longtemps entretenu une relation compliquée au travail et se félicite des rencontres qui l’ont sauvé. Du design graphique à la photographie, Rémi Benoit s’est formé, presque en autodidacte, guidé par un imaginaire puissant sans doute nourri par ses années de solitude.