Association d'Assistants Familiaux Lorrains

"il faut juste attendre un peu que les parents respirent pour qu'on puisse revenir à la maison" : paroles d'enfants placés

22-09-2025

Face à l'explosion des placements d'enfants, le département de la Haute-Vienne a confié la gestion de plusieurs hébergements à l'institut Don Bosco, acteur social reconnu en Nouvelle-Aquitaine. Nous sommes allés découvrir les jeunes résidants de l'une de ces maisons, où ils retrouvent un certain équilibre.

C'est une fin de matinée ordinaire à la maison d'enfants de Saint-Junien, les élèves scolarisés en primaire rentrent de l'école. À l’intérieur, la maîtresse de maison s'active en cuisine et s'apprête à mettre au four des pizzas pour le déjeuner, le repas a été préparé avec les jeunes hébergés.

Un cadre familial pour se sentir en sécurité

Dans cette maison d'enfants à caractère social (M.E.C.S.), Laëtitia Beausoleil est en charge de la logistique. “On est là dès le réveil, pour les aider à se préparer, faire le petit déjeuner et les emmener à l'école. Le soir, on s'occupe des devoirs, des douches et puis on raconte les histoires aux petits pour les aider à s'endormir, il y a même des petits câlins au moment du coucher. C'est notre rôle, pour qu'ils se sentent en sécurité, mais ils s'adaptent très vite.”

Cette maison d'enfants à caractère social a ouvert ses portes il y a quelques mois seulement. Le département est dépassé par les demandes d'accueil pour les mineurs relevant de l'aide sociale à l'enfance. En 2025 en Haute-Vienne, 1180 enfants font l'objet de placements, soit une augmentation de 48 % en six ans.

Pour répondre à la demande de placements, les départements travaillent avec des associations spécialisées dans le secteur social, comme l'institut Don Bosco qui gère, entre autres, la maison d'accueil de Saint-Junien. À terme ce sont six pavillons qui accueilleront une trentaine d'enfants placés, âgés de six à vingt ans, dans le département de la Haute-Vienne.

Lors de notre reportage, nous avons rencontré quelques-uns de ces enfants, nous avons changé leur prénom pour garantir leur anonymat. Tous sont accueillis ici à la suite d'évènements familiaux perturbants. Malia a dix ans, elle fait partie des toutes premières arrivées.“Au mois de février, j'étais la première dans la maison, je suis arrivée avec mon petit frère. J'ai tout de suite trouvé la maison bien, très belle, je peux aller dehors jouer dans la cabane, ou jouer au foot !”

Son frère de huit ans renchérit, avec enthousiasme. Six enfants âgés entre six et dix ans sont accueillis ici, dans une grande maison encore en travaux, qui possède un grand jardin. Tous ont des espaces partagés, non mixtes, des chambres de deux lits, avec des salles de bains individuelles. Une salle de jeux trône au milieu de la maison, avec une tente, pour s'isoler un peu.

Mettre des mots sur les maux

À leur arrivée, les enfants sont suivis par une éducatrice ou un éducateur. Cette personne est leur référent et assure, en douceur, la transition entre leur vie de famille et cet hébergement. Pour autant, il n'est pas question de “remplacer” les parents, même s'ils sont parfois défaillants.

Le plus difficile, c'est de gérer leurs émotions. On parle avec eux, on met des mots sur ce qu'ils ressentent, afin qu'ils les comprennent.

Elodie Pillain

Educatrice spécialisée

Tous ces enfants ont été placés par l'aide sociale. Dans cette maison, ils retrouvent un équilibre, malgré la séparation avec leurs familles. Lyna a huit ans, elle est arrivée il y a peu de temps et évoque tout de suite les membres de sa famille, ils lui manquent : “C'est juste que je voudrais revoir ma Tatie et ma sœur, mais j'ai de la chance, parce que j'ai des visites programmées.”

Il faut juste attendre un peu, que les parents respirent, qu'ils se calment, pour qu'on puisse revenir chez eux.

Lyna

Huit ans, accueillie à la maison d'enfants de Saint-Junien

Pour une jeune éducatrice, Justine Raoult, tous ces enfants ont eu des parcours bouleversés par un contexte familial défaillant. “On peut parler de maltraitance pour certains enfants, de délaissement pour d'autres, certains parents n'étaient plus en capacité de répondre aux besoins de leur enfant et nous, on leur vient en aide.”

Selon elle, les moyens dédiés à la protection de l'enfance permettent à peine de répondre aux demandes de placement d'enfants dans le département.

Il arrive parfois que dans certains placements, la greffe ne prenne pas, comme pour Lorène, douze ans, qui a pu changer de lieu d'accueil. "Dans mon autre lieu de vie, je ne me sentais pas à l'aise, on ne s'entendait pas bien, j'avais tendance à m'isoler, à devenir très solitaire. Ici, je me sens beaucoup mieux."

Maintenir un lien avec la famille, quand c'est possible

L’institut Don Bosco évite de séparer les fratries et tout est mis en œuvre pour maintenir les liens familiaux, selon Corinne Bessac, la directrice de la Maison d'Enfants à Caractère Social de Saint-Junien.

“Il y a des enfants qui sortent et peuvent rentrer un week-end sur deux dans leur famille. Certains enfants ont des visites médiatisées, c'est-à-dire en présence d'un professionnel de l'aide sociale. Peut-être qu'à terme, ils pourront retourner vivre chez leurs parents, mais c'est un travail de longue haleine qui se fait avec les éducateurs référents et avec l'aide sociale à l'enfance du département.”

Ces maisons d'enfants à caractère social visent à répondre aux besoins de sécurité, affective et psychique des enfants placés. Pour certains, le suivi de l'aide sociale se fera jusqu'à leur insertion dans la vie professionnelle.

TÉMOIGNAGES. "Il faut juste attendre un peu que les parents respirent pour qu'on puisse revenir à la maison" : paroles d'enfants placés