Haute-marne : département recherche « mamans de cœur »
17-06-2025
Frédéric Thévenin 16 juin 2025 Chaumont
Le Conseil départemental de la Haute-Marne recherche une cinquantaine d’assistantes familiales pour faire face à l’augmentation des placements d’enfants. Rencontre avec trois d’entre elles sur le territoire chaumontais alors qu’elles étaient réunies lors d’une journée de rencontre.
Le Conseil départemental de la Haute-Marne part à la recherche d’assistants familiaux pour accueillir des enfants en mal d’une vie sereine, sans violence et loin des tumultes des adultes. La collectivité en emploie actuellement 150 qui protègent 1 400 enfants. Il lui en faudrait une cinquantaine de plus…
Marie-Josée Maziarz est l’une d’elles car, il faut le dire, la très grande majorité sont des femmes. Habitante de Blessonville, elle est assistante familiale depuis 9 ans. Elle en avait envie depuis des années en ayant eu comme exemple sa propre mère qui accueillait des adultes handicapés.
Le choix d’un métier
Elle avait entendu dire qu’il ne fallait pas s’y attacher et les aimer. Alors, elle a d’abord élevé ses propres enfants pour se consacrer ensuite à ceux des autres issus de familles en grande difficulté.
Le sourire aux lèvres, rayonnante de bonheur, elle a ainsi le sentiment de ne pas vieillir seule. Les quatre enfants qu’elle a accueillis et qu’elle accueille encore lui apportent beaucoup de joie et de vie. Avec ses collègues devenues des copines, elle le dit : « ils nous obligent à nous mettre au goût du jour en matière de musique, d’informatique ou d’expressions ».
Mais Marie-Josée Maziarz prévient : « ce métier ne se fait pas par hasard ou par dépit. Il ne s’improvise pas. Il faut aimer les enfants. Sans attachement maternel, il est impossible de passer les moments difficiles ».
Parmi ces moments compliqués, elle évoque les six premiers mois d’adaptation. « À ce moment, le lien se crée. Ou pas ». Grace Marasi, venue de Laferté-sur-Aube et assistante familiale depuis 11 ans, raconte que les enfants placés n’ont aucun repère. Ni en matière de repas. Ni en matière d’horaire du coucher. Ni en matière de règles. Anne Mouillet, engagée depuis 17 ans à Chaumont, explique que les qualités premières de ce métier sont « la bienveillance et une patience infinie » pour prendre en compte leur passé et ne pas braquer ces enfants abîmés par leur tout petit bout de vie.
L’autre règle exprimée par les trois femmes est l’engagement de la famille dans sa globalité. « Le mari, les éventuels enfants et même les amis doivent être consultés et associés à ce choix d’accueillir des « étrangers » chez soi ». Dans le cas contraire, « l’enfer peut commencer » disent-elles.
Marie-Josée Maziarz résume : « l’engagement est 24 h/24 et il faut bien y réfléchir. Ensuite, l’expérience fera le reste ». Leur recette, aux trois assistantes, est d’avoir beaucoup d’humour et de recul. Elles s’entraident et ne sont jamais seules. Elles ont constitué une famille au sein des assistantes familiales.
Grace Marasi qui avait mal supporté de se retrouver seule après le départ de ses trois filles estime que ce métier est une bouffée de reconnaissance pour avoir « sauvé » quelques vies. « Les liens se construisent sur la longueur et après. Ils nous appellent souvent leurs mamans de cœur ».
Un véritable métier
Les trois assistantes familiales estiment qu’elles exercent un véritable métier avec des droits acquis au fil des années dont les congés en 2006 et des devoirs comme l’accompagnement au quotidien. Elles savent automatiquement qu’elles seront sur la route pour les suivis psy, les soins, les visites encadrées dans les familles biologiques ou le droit d’hébergement.
Les femmes se donnent pour but le retour des enfants dans la famille naturelle. Elles le savent et si, parfois, l’attachement est très fort, elles savent que la séparation fait partie de la profession. Elles ont une force mentale impressionnante tout en restant très humaines face à des enfants « en état de survie ». Alors, lorsqu’elles apprennent que leur nombre est en forte hausse en termes de placement, elles s’inquiètent de la dérive de la société entre négligence des parents et reproduction de comportements inappropriés. Elles s’inquiètent aussi des familles d’accueil surbookées et espèrent donc que le recrutement de nouvelles assistantes familiales permettra d’alléger la tâche de celles qui sont actuellement au harbon.
Une journée pour se connaître et échanger
La rencontre des assistantes familiales a permis d’apprendre à se connaître.
Le 12 juin, toutes les assistantes familiales étaient invitées au Conseil départemental de la Haute-Marne pour une journée de rencontre et de reconnaissance. Dominique Viard, vice-présidente en charge de l’enfance, le reconnaît : « on se croise mais on ne se connaît pas alors qu’elles et ils travaillent pour nous H24 ». Leur rôle est essentiel et, pour elle, il était important de les mettre en lumière. Le but était aussi de créer des groupes de parole et éviter l’écueil de l’isolement. La matinée était consacrée à des témoignages à partir de la réalité du terrain. L’après-midi, des ateliers devaient permettre de « mieux travailler ensemble, de se motiver et de s’inscrire dans le temps ».
Vice-présidente chargée de la protection de l’enfance, Rachel Blanc explique que la politique publique autour de la protection de l’enfance a besoin d’être repensée étant donné l’évolution de la société. « La structure familiale a changé. La politique de la famille attribuée aux Départements doit donc changer et s’adapter à cette nouvelle donne ».
La protection de l’enfance fait partie de cette politique avec des foyers de vie en établissement avec des groupes de six enfants et plus de 150 assistantes familiales à domicile. En 2020, elles étaient 220 dont certaines sont parties à la retraite. Entre l’augmentation du nombre d’enfants à placer et la baisse du nombre de familles d’accueil, Rachel Blanc parle d’effet de ciseaux dans une « politique belle et compliquée défendue par Nicolas Lacroix, le président ».