L’indépendance financière s’acquiert à 22 ans selon une étude (pourtant les jeunes de l’ase sont « lâchés » bien avant)
22-09-2025
A 21 ans, les deux tiers des jeunes n’ont pas terminé leurs études. Une des raisons de mieux soutenir les jeunes de l’Aide sociale à l’enfance, estiment les Apprentis d’Auteuil, qui publient ce sondage.
« A partir du 20 du mois, je ne mangeais que tous les deux jours, une grosse gamelle de pâtes. Je n’ai pas osé demander de l’aide tout de suite. J’habitais dans un foyer de jeunes travailleurs, mais comme j’avais des horaires compliqués, je ne voyais personne, j’étais isolé. C’était de la survie plus qu’autre chose. A 18 ans c’est trop jeune pour être indépendant du jour au lendemain, on est toujours des enfants, on commence seulement à se construire en tant qu’adulte ». Dylan, 20 ans, est un enfant issu de l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Il s’est retrouvé dans une situation compliquée après la fin du suivi par les services départementaux.
Dylan est comme tous les jeunes de son âge : il a besoin de temps pour acquérir une indépendance financière. C’est ce que montre un sondage OpinionWay rendu public ce mardi par la Fondation des Apprentis d’Auteuil : en moyenne, les jeunes acquièrent leur indépendance financière à 22 ans. Pourtant, pour les jeunes de l’Aide sociale à l’enfance, l’accompagnement perdure tout au plus jusqu’à 21 ans, et s’arrête bien souvent avant cet âge.
Les jeunes de l’Ase accompagnés jusqu’à 19 ans
« La grande majorité des jeunes ne volent pas de leurs propres ailes à 18 ans. Ni à 19, 20 ou 21 ans. Pourtant, c’est ce qu’on demande à celles et ceux qui sortent des dispositifs de protection de l’enfance. Alors même qu’ils sont fragilisés par une histoire chaotique, des traumatismes, une absence de soutien familial. L’arrêt net de l’accompagnement par l’ASE précipite de trop nombreux jeunes dans la précarité, la solitude, l’exclusion… la rue. Priver ces jeunes d’accompagnement et de suivi, c’est les priver d’avenir ! », plaide Jean-Baptiste de Chatillon, directeur général de la Fondation Apprentis d’Auteuil, dans un communiqué qui accompagne la sortie du sondage.
En moyenne, les jeunes de l’ASE seraient accompagnés jusqu’à l’âge de 19 ans et 9 mois, selon une étude du collectif Cause Majeur ! publiée en février 2025. Soit 21 mois en moyenne après leurs 18 ans. Pourtant, même à 21 ans, près des deux tiers des jeunes Françaises et Français ne sont pas indépendants financièrement (68 %). Et 66 % n’ont pas terminé leurs études à l’âge de 21 ans, ni décroché leur premier emploi (59 %). Près de trois ans après l’âge de la majorité, plus de la moitié des jeunes ne savent pas non plus gérer entièrement leurs démarches administratives et une proportion non négligeable (41 %) estime ne pas être autonome dans la vie quotidienne, par exemple pour faire des lessives ou se faire à manger.
A 18 ans, neuf jeunes sur dix ne sont pas indépendants
Pour Dylan, cette entrée dans le grand bain de la vie s’est faite d’autant plus violemment qu’il n’a bénéficié que de trois mois d’accompagnement. Optimiste au départ, il pensait s’en sortir seul, avec son CAP restauration en poche, du haut de ses 18 ans. C’est la raison qui explique qu’il n’ait pas pensé à demander une prolongation du système d’aide. Mais une fois avoir pris conscience du problème, « c’était trop tard », raconte-t-il.
A 18 ans, comme Dylan, près de neuf jeunes sur dix ne sont pas indépendants financièrement, ne savent pas gérer entièrement leurs démarches administratives et même huit sur dix ne sont pas autonomes dans leur vie quotidienne. Ce pourquoi la Fondation Apprentis d’Auteuil demande l’application pleine et entière de la loi Taquet, qui prévoit depuis 2022 un accompagnement des jeunes majeurs sortant de l’ASE jusqu’à 21 ans. Un dispositif peu appliqué, puisque 71 % des 124 professionnels interrogés par Cause Majeur ! estiment que cet accompagnement s’interrompt avant 21 ans.
C’était aussi un des constats de la députée Isabelle Santiago, qui a rendu le 8 avril dernier un rapport sur la protection de l’enfance qui jugeait que les trois dernières grandes lois de protection de l’enfance (2007, 2016 et 2022) ne sont que « très peu appliquées sur le terrain ».