Association d'Assistants Familiaux Lorrains

Les jeunes sortant de l’aide sociale à l’enfance restent vulnérables : ils sont souvent livrés à eux-mêmes alerte l'igas

22-09-2025

Dans un rapport publié le 3 septembre 2025, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) pointe du doigt l'insuffisance de l'accompagnement des jeunes sortant de l'Aide sociale (ASE). Le rapport s'appuie notamment sur les contrôles effectués en Haute-Garonne.

Que deviennent les jeunes majeurs, lorsqu’ils ne sont plus suivis par l’Aide sociale à l’enfance (ASE) ? Sont-ils prêts à vivre en toute autonomie ?

Dans son dernier rapport, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) pointe les manquements dans l'accompagnement des jeunes et fait une quinzaine de propositions "réalisables à court terme" pour améliorer la situation.

Plus de 200 M€ pour la protection de l'enfance en Haute-Garonne

Si la Haute-Garonne fait partie des quatre départements contrôlés et sur lequel s'appuie l'Igas pour faire son rapport, ce n'est pas un hasard. C'est un département où les besoins et les tensions sont nombreux.

Dans ce département, 500 enfants qui atteignent leurs 18 ans sont accompagnés chaque année ; les 2/3 sont suivis ensuite à leur majorité (18 ans). En moyenne, ce suivi est de 2 ans (25 mois précisément avec des contrats de cinq mois en moyenne). Selon l'Igas, c'est le département qui mène la politique la plus volontariste sur le sujet des quatre départements contrôlés (Haute-Garonne, Puy-de-Dôme, Eure-et-Loir et Pyrénées-Orientales).

Le schéma départemental de protection de l'enfance 2021-2025 établit une orientation stratégique : "accompagner les jeunes vers l’autonomie et favoriser leur émancipation". Avec 3 objectifs :

Accompagner les jeunes vers l’autonomie et l’émancipation pour prévenir les sorties sèches de l’ASE

Développer le "pouvoir d’agir des jeunes" en mettant en place une conférence jeune majeur

Favoriser le passage des jeunes en situation de handicap accompagnés par l’ASE dans le secteur adulte

Selon le rapport, une part importante des MNA sont accueillis en dehors de la Haute-Garonne. À la date de la mission, 25% des MNA de 16 et 17 ans étaient hébergés hors du département. La Haute-Garonne se voit facturer des tarifs souvent supérieurs à ceux pratiqués en Haute-Garonne pour un accompagnement en semi-autonomie. Le placement de ces jeunes hors département rend difficile l’établissement de relations entre Conseils départementaux. Par exemple, l’ASE de Haute-Garonne n'a pas été informée d’évènements indésirables graves.

Pour améliorer ce processus, le Conseil départemental 31 a initié l'an dernier une cellule de facilitation de parcours qui dispose d’une liste de situations complexes jugées prioritaires par les responsables ASE. Cette cellule analyse les freins à lever en vue de coconstruire avec eux et le réseau de partenaires un parcours santé adapté aux besoins.

L'accès à un logement, au travail, aux soins reste très compliqué. Sur ce dernier point en Haute-Garonne, la part des bénéficiaires de l’ASE (enfants entre 16 et 21 ans) sans médecin traitant était supérieure de plus de 20 points à celle des jeunes du même âge bénéficiaires du régime général. Le recours à des psychologues est quant à lui 10 fois inférieur à celui des jeunes de la même classe d’âge.

7 450 enfants ont été pris en charge par le Département en 2021.

La loi Taquet de 2022 n'a pas tout résolu

La promulgation de la loi du 7 février 2022 "relative à la protection des enfants" (loi Taquet) laissait entrevoir une amélioration pour l’accompagnement social global des jeunes majeurs qui étaient pris en charge par les services de l’aide sociale à l’enfance. Elle crée le droit à la poursuite d’un accompagnement après la majorité et jusqu’à 21 ans des jeunes sortant de l’ASE qui ne bénéficient pas de ressources ou d’un soutien familial suffisant.

L'instauration d'un droit opposable, l’obligation de prise en charge par le département pour les jeunes majeurs de moins de 21 ans, la volonté d’un accompagnement global semblaient aller dans le bon sens. Trois ans plus tard, les manquements notamment au droit opposable restent pointés par l'Igas.

Les départements déjà engagés sur ces questions restent bons élèves, certains font certes évoluer leurs pratiques dans le bon sens mais d’autres ne semblent toujours pas opérer de changements.

Le suivi reste inégal

L'Igas partage le constat de la Cour des comptes et de plusieurs chambres régionales qui relèvent les inégalités et les limites de l’application de ce nouveau droit opposable.

La nature et la durée des accompagnements sont trop souvent insuffisantes : les accompagnements provisoires jeunes majeurs (APJM) restent essentiellement assez courts (2 à 6 mois) et sont régulièrement réduits à une simple aide financière, avec peu ou pas de suivi socio-éducatif.

Dans certains cas, l'accompagnement est "conditionné à l'inscription du jeune dans un parcours défini par le département : adhésion au suivi socio-éducatif, engagement dans un projet professionnel, recours à un logement autonome", déplore la mission d'inspection auprès de l'Afp.

Le parcours vers l'autonomie de ces jeunes reste incertain. L'entretien un an avant la majorité n'est pas encore mis en œuvre par tous les départements d'après l'Afp, ni pour tous les jeunes concernés : "un seul des quatre départements contrôlés le mettait en œuvre formellement", selon l'Igas.

Quinze recommandations

L'organisme de contrôle recommande notamment de simplifier le processus de gestion. Il estime "nécessaire de mobiliser davantage l'État aux côtés des départements et d'associer plus étroitement les autres partenaires pour améliorer la situation des jeunes" sortant du dispositif.

La mission préconise également de mettre en place "des voies d'accès facilitées au droit commun" pour les jeunes après leur sortie de l'ASE et jusqu'à 25 ans, avec une proposition systématique des rendez-vous d'accès aux droits des organismes de Sécurité sociale ou encore une priorité d'accès au logement social.

L'Igas insiste pour simplifier le processus de gestion et de versement du pécule.