Santé mentale : un quart des jeunes de 15 à 29 ans souffrent de dépression, selon un étude
22-09-2025
Selon cette étude, le genre constitue l'un des clivages les plus marqués dans les rapports à la santé mentale. Il y a 27% des femmes qui souffrent de dépression, contre 22% des jeunes hommes.
70 commentairesArticle rédigé parfranceinfo, avec ICIRadio FrancePublié le 02/09/2025 16:49Temps de lecture : 8min
Un quart des jeunes Français, âgés de 15 à 29 ans souffrent de dépression, selon une étude par la Mutualité française, l'Institut Montaigne et l'Institut Terram, révélée mardi 2 septembre par ICI (ex-France Bleu)(Nouvelle fenêtre). L'enquête, menée auprès de 5 633 jeunes de 15 à 29 ans, pointe des inégalités territoriales et sociales “alarmantes”, notamment dans les départements et régions d'Outre-mer (DROM), où près de quatre jeunes ultramarins sur dix souffrent de dépression.
Il y a “25% des 15-29 ans”qui “souffrent de dépression”, révèle l'étude, qui s'appuie sur les réponses des jeunes via un questionnaire standardisé utilisé pour évaluer les épisodes dépressifs (le Patient Health Questionnaire, PHQ-9), soit un chiffre “largement supérieur aux 14% qui s'auto-déclarent en mauvaise santé mentale”. “La souffrance mentale reste ainsi largement sous-estimée ou banalisée, y compris par les jeunes eux-mêmes”, souligne le rapport.
“Ce genre d'enquête montre encore plus” qu'il faut être plus ambitieux dans ce domaine, estime sur franceinfo Olivier Bonnot, pédopsychiatre de l’enfant et de l’adolescent. Ces données sont “alarmantes et pas surprenantes”. Il note toutefois que“25% c'est probablement un peu surévalué pour parler de la maladie, c'est sans doute deux fois surévalué”. Il rappelle que “la dépression, c'est une maladie”, tandis que “les symptômes dépressifs c'est être triste, ne pas bien se nourrir, ne pas bien dormir, et avoir des idées suicidaires” notamment. Cette étude permet de“distinguer les symptômes dépressifs, qui sont évalués avec une grille très rigoureuse mais qui ne permet pas de faire le diagnostic de dépression”.
Le genre est "l'un des clivages les plus marqués"
Le rapport met en évidence que ce“mal-être protéiforme” est fortement corrélé aux conditions de vie et au contexte social. La situation économique est un “catalyseur d'une santé mentale dégradée”, note l'étude. Près de la moitié des jeunes (47 %) en grande précarité souffrent de dépression, soit “trois fois plus que ceux issus de milieux aisés (16 %)”.
“Le genre constitue l'un des clivages les plus marqués dans les rapports à la santé mentale”, affirme l'étude : 27% des femmes souffrent de dépression, contre 22% des jeunes hommes. L'écart est “particulièrement significatif avant 22 ans”puisque chez les étudiantes, 56% d'entre elles s’ auto-déclarent souvent stressées, contre 3% des jeunes étudiants.
Le stress dû au travail atteint des niveaux particulièrement élevés chez ceux qui cumulent un emploi avec des difficultés économiques. “81 % d'entre eux déclarent être régulièrement stressés par leur activité, contre 68 % de ceux qui déclarent ne rencontrer que peu ou pas de contraintes financières”, explique l'enquête. Les formes d'emploi les plus précaires semblent davantage provoquer une fragilité psychique chez les jeunes.
L'instabilité familiale et les conditions de logement pèsent aussi lourdement sur la santé mentale des 15-29 ans. L'enquête montre que “35 % des jeunes ayant grandi dans un foyer familial instable présentent un état dépressif persistant, contre 15% de ceux ayant grandi dans un environnement stable”. Les conditions de logement sont également un facteur déterminant puisque les jeunes en colocation (17%) ou en résidence universitaire (25 %) sont plus nombreux que la moyenne (11%) à “déclarer une mauvaise santé mentale”.
Des disparités territoriales
L'étude souligne aussi des inégalités territoriales frappantes. Dans les Outre-mer, la détresse psychique est particulièrement aiguë : “Plus d'un jeune sur deux en Guyane (52%) est concerné par la dépression, 44 % en Martinique et 43 % à Mayotte”, des chiffres “sans équivalent en Hexagone”, où les taux oscillent entre “19 % (Bourgogne-Franche-Comté) et 28 % (Provence-Alpes-Côte d'Azur)”.
On observe également des disparités territoriales, avec“64 % des jeunes urbains qui se disent tristes ou déprimés, contre 54% en zone rurale”. Dans les grandes métropoles, 44% des jeunes de 15 à 29ans déclarent faire l'expérience de la solitude, soit huit points de plus qu'en zone rurale (36%). “Les jeunes résidant dans des zones peu denses”, c'est-à-dire rurales ou périurbaines, "apparaissent comme les moins vulnérables ou [...] les moins exposés aux manifestations symptomatiques du mal-être psychique", note l'enquête.
Les chiffres de l'étude le prouvent : 27% des jeunes urbains souffrent de dépression soit 7 points de plus que les jeunes ruraux (20%). Pour expliquer cette opposition villes-campagnes, les auteurs évoquent un cadre “plus protecteur”, “plus familial” en zone rurale, et à l'inverse un “isolement plus fort”, des “vulnérabilités économiques plus fréquentes” dans les métropoles, notamment pour les étudiants.
Harcèlement scolaire et temps d'écran
Le harcèlement scolaire est une“réalité traumatisante” qui affecte “plus d'un jeune sur deux (52 %) en tant que victime directe”, et “23% en tant que témoin”. Un tiers (33 %) des jeunes ayant été victimes de harcèlement scolaire déclarent être “stressés par leurs études”.
La question de l'omniprésence des écrans occupe place prépondérante dans le quotidien des jeunes mais leur usage intensif est corrélé à une détérioration de la santé mentale.“44 % des jeunes passent plus de trois heures par jour sur les réseaux sociaux”, et "10 % y passent plus de huit heures", rappelle l'étude qui établit un lien direct : “44% de ceux qui y passent plus de 8 heures sont en dépression", soit "trois fois plus que ceux qui y passent moins d'une heure (15%)”. Le cyberharcèlement concerne “plus d'un jeune sur quatre (26%)”, et “52 % des victimes fréquentes présentent un état dépressif”.
En 2025, si la santé mentale est devenue une “grande cause nationale”, mais les dispositifs existants – comme Mon soutien psy (12 séances remboursées par an) – peinent encore à répondre à l'ampleur et à la diversité des besoins, relève l'étude. Quatre jeunes sur dix déclarent ne jamais avoir fait appel à un professionnel et n'en avoir jamais ressenti le besoin. Par ailleurs,“19% de ceux qui ressentent le besoin de consulter ne l'ont pas fait", principalement par "peur du jugement ou de la stigmatisation (24%)”, “méconnaissance des dispositifs (13 %)” ou“en raison du coût (17%)”.
“Il y a besoin dans ce pays d'un plan santé mentale”
Face à ce constat, les auteurs appellent à une action publique “territorialisée”, portée“à la fois par les institutions nationales, les collectivités locales et les acteurs de proximité”. “Il y a besoin dans ce pays d'un plan santé mentale digne de ce nom pour s'occuper de la santé mentale et de la psychiatrie convenablement pour nos concitoyens”, plaide sur france info Olivier Bonnot, pédopsychiatre de l’enfant et de l’adolescent. “On a les moyens de prendre en charge convenablement seulement la moitié des gens qui nous font la demande”, déplore le chef de service à l’hôpital Barthélémy Durand en Essonne et professeur à l’université Paris Saclay.
“Cette étude là le montre, il y a depuis une dizaine d'années un doublement de ce qui est soit symptômes dépressifs soit dépression chez les jeunes, et c'est ça qui est très inquiétant”, pointe-t-il. “Ce qui est marquant, c'est qu'il y a un doublement de l'impression d'isolement et de solitude. Ce qui est certain c'est que les réseaux sociaux ont un rôle”, d'après lui.