Enfants maltraités contraints de subvenir aux besoins de leurs parents : le sénat rejette une évolution de la loi
22-11-2025
Le 23 octobre dernier, les sénateurs ont rejeté un projet de loi visant à exonérer de l’obligation alimentaire les adultes qui ont grandi avec des parents défaillants. Mais les victimes n’ont pas dit leur dernier mot. Elles viennent d’obtenir le soutien de Gérald Darmanin, ministre de la Justice.
Magalie Delle-Vedove - 31 oct. 2025 à 18:52
Marie, une Mosellane de 72 ans, est déçue. Victime de mauvais traitements et d’abus sexuels pendant son enfance, elle est assistée d’un avocat du barreau de Metz pour essayer de se soustraire à l’obligation alimentaire qu’elle doit à un homme devenu légalement son père en épousant sa mère. « Il m’a fait subir des choses atroces. Je refuse catégoriquement de payer son EHPAD. Je comptais beaucoup sur le projet de loi déposé au Sénat par le sénateur Iacovelli qui proposait de libérer de l’obligation alimentaire les adultes comme moi qui ont grandi avec un parent violent. Mais jeudi 23 octobre, le projet de loi a été rejeté par le Sénat. Il faut croire que les sénateurs n’ont pas été sensibles à notre double peine ».
En France, la loi en vigueur impose aux enfants devenus adultes de subvenir aux besoins de leurs parents en difficulté. Elle n’admet que quelques rares exceptions : « Lorsque le parent a été condamné en justice pour un crime sur ses descendants ou ascendants. Ou encore quand l’enfant est pupille de l’État ou quand il a été retiré de son milieu familial par décision judiciaire durant une période d’au moins 36 mois cumulés avant ses 18 ans. Et enfin, quand le parent en question a été condamné comme auteur, coauteur ou complice d’une agression sexuelle ou d’un crime commis sur l’autre parent ». La proposition de loi que le Sénat a rejetée le 23 octobre dernier ambitionnait d’élargir les exceptions. Il s’agissait, d’après le sénateur Iacovelli, « de permettre à toutes les victimes de ne pas subvenir aux besoins financiers d’un parent défaillant ».
« Tout espoir n’est pas perdu »
Pour rédiger sa proposition de loi, le sénateur des Hauts-de-Seine, Xavier Iacovelli, a travaillé avec le collectif « les liens en sang ». Le texte semblait solide, mais en séance les opposants ont pointé « des lacunes juridiques ». La proposition de loi a notamment été critiquée parce qu’elle aurait pu engendrer un « effet d’aubaine », comme on peut le lire dans le rapport de la commission des lois. Malgré ce premier échec, Marine Gatineau-Dupré, l’une des porte-parole du collectif de victimes « les liens en sang », garde bon espoir : « Un tiers des sénateurs a voté pour faire évoluer la loi et un autre tiers des sénateurs s’est abstenu. Il y a donc des sénateurs sensibles à notre cause. La bonne nouvelle c’est que Gérald Darmanin le ministre de la Justice s’est engagé personnellement à retravailler le texte pour présenter un nouveau projet de loi. Il a assuré le total soutien du gouvernement à cette législation pour tous les enfants que la justice n’a pas reconnu comme victime à l’époque des faits. Tout espoir n’est donc pas perdu. La loi va évoluer, c’est une question de temps. Nous restons optimistes ».