Bientôt la fin de la double peine pour les enfants de parents maltraitants?
22-11-2025
Les enfants ont le devoir d’aider financièrement leurs parents dans le besoin, c’est la loi. Mais pour les victimes de maltraitance, payer pour des parents défaillants est une double peine. Jeudi 23 octobre, les sénateurs devront statuer à propos d’une proposition de loi visant à exonérer de l’obligation alimentaire les adultes qui ont grandi avec des parents défaillants.
Magalie Delle-Vedove - 20 oct. 2025 à 18:03
Sarah, 28 ans, enseignante dans l’agglomération de Nancy, a coupé les ponts avec son père depuis quinze ans. La jeune femme, victime de violences physiques et psychologiques a témoigné dans nos colonnes pour expliquer qu’elle était prête à « enfreindre la loi plutôt que de payer l’obligation alimentaire » qu’elle doit légalement à celui qu’elle appelle « mon géniteur ». En France, la loi impose aux enfants devenus adultes, comme Sarah, de subvenir aux besoins de leurs parents en difficulté. Mais tous les enfants n’ont pas la chance d’avoir des parents dignes de ce nom. Estimant qu’il faut « donner la possibilité aux victimes de rompre définitivement le lien avec leur bourreau », le sénateur des Hauts-de-Seine, Xavier Iacovelli a travaillé avec le collectif « les liens en sang » pour rédiger une proposition de loi qui vise à exonérer un enfant de l’obligation alimentaire qu’il doit à son parent défaillant.
Texte initial modifié
Cette première proposition de loi a été déposée le 17 février dernier. Mais au regard des premiers retours du sénat, le texte initial a été modifié. « Les premières auditions ont mis en avant des points de blocage, assure Xavier Iacovelli. Nous avons donc renforcé la cohérence juridique de nos propositions. Ce qu’il faut retenir en substance c’est que dans le nouveau dispositif, l’article 1 prévoit que toute personne majeure peut, jusqu’à la veille de ses 30 ans, demander à être libéré de l’obligation alimentaire à l’égard d’un parent défaillant par acte notarié. Dans l’article 2, nous proposons que le parent et le président du Conseil départemental puissent former opposition à l’acte notarié dans un délai de six mois. Dans ce cas, la contestation sera portée devant le juge aux affaires familiales qui appréciera si le parent a gravement manqué à ses obligations parentales, telles que définies par l’article 371-1 du Code civil, durant la minorité de l’enfant ».
Adulte, on ne cesse pas d’être une victime
Si les premières discussions autour du projet de loi laissent craindre des difficultés, le sénateur Iacovelli et les membres du collectif les liens en sang veulent y croire : « Nous avons fait évoluer nos propositions pour tenir compte des réticences formulées lors de l’étude de la proposition de loi. Le texte a été modifié pour éviter les effets d’aubaine, les dérives. Il a été juridiquement renforcé. » Aujourd’hui, la loi prévoit déjà quelques exceptions à cette « obligation alimentaire », notamment pour les enfants dont les parents ont été condamnés par la justice ou pour les enfants placés pendant leur minorité pendant au moins trois ans. Mais pour tous ceux qui n’entrent pas dans les cases des exceptions, le chemin pour faire prouver l’indignité est long. « Adulte, on ne cesse pas d’être une victime. On ne peut pas dire aux gens “vos parents n’ont pas été là pour mais soyez là pour eux”. Dans l’intérêt des victimes, il faut trouver une issue favorable. Je compte sur les sénateurs ». Ils se prononceront jeudi 23 octobre.