Voyage au cambodge de huit enfants de l'ase : "ce n'est pas qu'une question d'argent, ce qui compte, c'est le lien humain"
08-12-2025
Grâce à l'Adepape 13, huit adolescents issus de l’Aide sociale à l’enfance (ASE) ont passé leurs vacances dans un foyer d'accueil pour enfants au Cambodge. Un voyage humanitaire et solidaire qui a changé leur vie.
Ce jeudi 30 octobre, ils ont posé leurs valises à Marseille, le cœur encore chamboulé : huit adolescents de l'ASE (Aide sociale à l'enfance) viennent de passer deux semaines dans un foyer d'enfants placés au Cambodge. C'était la première fois qu'ils voyageaient au-delà des frontières de l'Europe, aux antipodes du tourisme. Cette aventure, qu'ils préparaient depuis un an, s'annonçait comme un simple chantier solidaire, autour de la création d'un jardin, mais, en fait, c'est de leur propre construction et de leur jardin secret dont il a été question.
Laïla n'en revient toujours pas : "c'était incroyable !". À 17 ans, élève de terminale à Gignac (Bouches-du-Rhône), la jeune fille vit dans une famille d'accueil depuis treize ans, après avoir fait l'objet, toute petite, d'un placement :"A la mort de mon père, ma mère a fait une dépression et a dû être hospitalisée". Après toutes ces années, partir à la rencontre d'autres enfants placés comme elle, dans un autre pays, voilà ce qui l'a motivée à vivre cette expérience. "À part ma sœur d'accueil [NDLR : placée dans la même famille qu'elle depuis 13 ans], je ne côtoie pas d'autres jeunes comme moi et je me suis dit, pourquoi pas en rencontrer à l'étranger pour savoir un petit peu comment ça se passe pour eux".
"On n'était pas des touristes"
Le Foyer Lataste, où les jeunes ont passé leurs vacances, se situe dans un village près de la ville de Sisophon, à l'ouest du Cambodge, dans une zone militarisée. Les adolescents se sont mêlés aux autres enfants, malgré la barrière de la langue, une connexion immédiate et inattendue, sans smartphones : "Seulement trois enfants sur trente avaient un téléphone, raconte Laïla, ils n'ont pas forcément les moyens de communiquer entre eux, ni les moyens d'aller à l'école, d'avoir de l'eau potable à disposition, alors justement, on ne peut pas se dire que l'on est malchanceux".
Là-bas, les jeunes sont tellement plus résilients que nous. Ils sont hyper contents d'avoir la chance d'être placés en foyer et de ne pas vivre dans la rue, ils ne se plaignent pas.
Laïla, 17 ans, enfant placée non loin de Marseille
France 3 Provence-Alpes
Mais elle tient à le rappeler : "on n'était pas des touristes, on était venus pour créer du lien". Le projet des Marseillais était de construire, en dix jours, un jardin pour embellir ce foyer cambodgien. "C'était amusant, de les voir, une majorité de filles, se lever à 6h le matin et par 38 degrés remuer la terre, charger les graviers, couler du béton, sourit Hamza Bensatem, un vrai travail de chantier, et jeunes cambodgiens et français s'entraidaient, c'était beau". Laïla confirme que cette fraternité était nouvelle pour elle, et puis elle dit s'être "surpassée, après avoir marché dans la boue jusqu'aux genoux, pieds nus, je ne me plaindrai plus jamais".
Des enfances abusées, maltraitées, abandonnées
"C'est impossible d'en revenir inchangé". La lycéenne avoue qu'elle n'est plus la même, qu'elle ne veut plus s'attacher au superflu, "j'étais trop matérialiste". Ce qui l'intéresse désormais, assure-t-elle, "c'est de faire des rencontres, apprendre à communiquer pour comprendre les autres et me comprendre moi-même". Dans leur singularité, ces jeunes avaient en dénominateur commun des enfances abusées, maltraitées, abandonnées, ils appartenaient à la même famille. Tous se retrouvaient le soir pour partager leurs histoires dans l'intimité des chambres. Ils se sont soudés, ne voulaient plus se séparer et se sont quittés en pleurs.
Pour Hamza Bensatem, le président de l'Adepape 13, qui était du voyage, le modèle d'accueil des mineurs dans cette structure est "intéressant, en comparaison du système de l'ASE ". Les enfants de quatre à douze ans sont hébergés dans des "maisons familiales" où ils grandissent auprès d’une "mère d’accueil", "nourris, soignés, éduqués, encadrés et choyés", comme l'indique l'association sur place.
On peut faire bien avec très peu, créer un environnement rassurant pour ces enfants dans un climat familial, ça m'a rappelé à quel point le lien et l'humain sont importants.
Hamza Bensatem, ancien enfant placé
France 3 Provence-Alpes
Hamza Bensatem, lui-même un "ex de l'ASE", dit avoir pris une leçon : "au lieu de mettre en avant le prix de journée et le coût des placements, explique-t-il, on a constaté à Sisophon que ce n'est pas qu'une histoire d'argent : la structure a très peu de moyens et pourtant, ils arrivent à faire beaucoup de choses".
Les communications se poursuivent depuis la France grâce aux trois jeunes cambodgiens du foyer qui détiennent un smartphone. Déjà, un autre projet est en train de voir le jour pour 2026, à l'occasion du 20ᵉ sommet de la Francophonie qui se tiendra au Cambodge. Il faudra sans doute de nouveau retrousser les manches pour envisager ce voyage. Durant une année, les jeunes de l'ASE avaient récolté 3000 euros en organisant des ventes caritatives sur la Corniche. Face à l'horizon.