Le magnifique témoignage d’étienne et alice, parents de quatre enfants et famille d’accueil
14-12-2025
Ils avaient déjà quatre enfants et une vie bien remplie. Pourtant, il y a trois ans, Étienne et Alice ont décidé d’ouvrir encore plus grand la porte de leur maison. Aujourd’hui, deux petits garçons, Léo et Gabriel, ont été confiés à leur affection et à leurs soins par la protection de l’enfance.
Étienne et Alice sont en couple depuis vingt ans. Ils habitent en Bretagne. Étienne est architecte et Alice a exercé en tant que psychologue pendant plus de dix ans. Ensemble, ils ont eu quatre enfants, aujourd’hui âgés de 13 à 6 ans. Alice a longtemps voulu travailler dans la protection de l’enfance, mais ne trouvait pas de porte via son travail de psychologue. "Je ne pouvais plus me dédier pleinement à mes patients, ni à mes enfants. Je sentais qu’il fallait que je redonne du sens à ma vie, autrement".
C’est en rencontrant des assistantes familiales – terme officiel de "familles d’accueil" – que le désir d’accueillir à son tour des enfants dans son foyer est apparu. Alice s’est donc reconvertie et a effectué une demande d’agrément pour devenir assistante familiale. Devenir famille d’accueil n’a pas été une décision prise à la légère, mais une véritable vocation mûrie en couple et en famille.
Un projet de couple et de famille
C’est une décision qui concernait tout le monde : son conjoint, Étienne, mais aussi leurs enfants. Pour Étienne, cela n’a pas été tout de suite facile. Il travaillait déjà beaucoup à ce moment-là, et leur dernier avait tout juste trois ans. "Nous étions à peine sortis des couches et des nuits difficiles, ce n’était pas évident de se dire qu’on allait devoir se replonger là-dedans".
Les enfants avaient eux aussi, leur mot à dire. Il a fallu leur expliquer que ce n’était pas une adoption, mais simplement l’accueil d’un autre enfant chez eux, quand ses propres parents ne peuvent pas s’occuper de lui. "S’ils avaient refusé, on n’aurait pas continué", confie Étienne simplement.
Après quelques mois de réflexions et de discussions en couple et en famille, la décision est prise. Deux visites de la PMI (Protection Maternelle et Infantile) de leur département se font chez eux afin d’évaluer le foyer et la maison qui accueillera les enfants. Étienne continue son travail d’architecte, seule Alice possède l’agrément d’assistante familiale. C’est un véritable métier, pour lequel elle reçoit un salaire, ainsi qu’une contribution financière aux besoins de l’enfant accueilli. Mais, comme leur histoire le montre, c’est avant tout une mission et une rencontre.
De l’accueil temporaire à l’attachement durable
Au départ, Alice ne pensait accueillir qu’en relais, pour dépanner d’autres familles d’accueil, pendant les vacances par exemple. C’est ainsi qu’un matin, à 10h, on l’appelle pour accueillir Léo, un petit bébé de 9 mois, pour qui il n’y a pas de solution pour la nuit. À 16h, Léo arrive chez eux. Il devait rester 15 jours, mais trois ans plus tard, le petit garçon est toujours là. En effet, le petit garçon se sentait bien chez Alice et Étienne, alors la protection de l’enfance a décidé de le laisser avec eux.
Puis, il y a un an, Alice et Étienne ont accueilli, également en urgence, un nourrisson de deux semaines, Gabriel. Pas facile de se retrouver du jour au lendemain avec un tout-petit sorti à peine de la maternité. Alice se confie sur la difficulté de cette situation : "Je dormais très peu à cette époque. J’avais une peur panique qu’il lui arrive quelque chose, comme la mort subite du nourrisson. Je me disais : s’il lui arrivait un drame ici, ce serait mes enfants qui le porteraient aussi." Mais l’arrivée de Gabriel dans leur famille a aussi été source de joie : se remettre à pouponner, voir les enfants en admiration devant ce tout petit bébé, observer ses progrès.
Les difficultés du quotidien
Accueillir un enfant blessé par la vie n’est jamais simple. "Ce ne sont pas nos enfants, et parfois, ils refusent notre cadre". Face aux crises ou aux refus d’obéir de Léo - trois ans aujourd’hui - le couple se sent parfois démuni. "On n’a pas toujours les outils pour gérer ces situations, surtout quand on voit la peine que cela cause à nos propres enfants." Le petit garçon manifeste fortement ses émotions : colère, opposition, hypersensibilité. "Même si on l’a eu tout petit, on sent qu’il y a un caractère, une histoire derrière. Il nous met en difficulté à sa manière." Léo, contrairement à Gabriel, n’a pas de contact avec ses parents. Étienne et Alice se font d’ailleurs appeler Papa et Maman. "On ne savait pas trop au début s’il pouvait nous appeler comme cela, mais l’éducatrice avec qui nous sommes en lien nous a très justement dit qu’il avait le droit lui aussi d’appeler quelqu’un papa et maman."
Notre métier est à la maison, et il conditionne toute notre vie familiale.
La présence de deux petits en bas âge bouleverse de temps en temps l’équilibre familial. "Parfois, je passe toute mon après-midi à gérer une crise, et je réalise que je n’ai pas pris une minute pour mes propres enfants", admet Alice. "C’est le revers de ce choix : notre métier est à la maison, et il conditionne toute notre vie familiale."
Les joies qui donnent du sens
Malgré les doutes, les moments de grâce sont nombreux. Alice se souvient d’un matin à la crèche : "Léo s’est tourné vers ses copains et a dit : "C’est ma maman à moi." J’étais bouleversée. Le but n’est pas qu’il m’identifie comme sa mère, mais savoir qu’il se sent aimé par nous, c’est essentiel."
Léo et Gabriel sont pour l’instant amenés à rester chez Alice et Étienne, même si l’avenir reste toujours incertain. "On nous demande souvent : "Et s’ils devaient partir du jour au lendemain ?" C’est une possibilité, oui, mais on ne peut pas y penser tous les jours." Les deux petits garçons font partie intégrante de la vie de famille, et pour l’instant tout le monde y trouve un équilibre. Leur rôle n’est pas de remplacer les parents, mais de préserver un lien, d’offrir à ces enfants toutes les chances de renouer un jour avec leur histoire.
Une aventure humaine avant tout
Malgré les incertitudes, le couple ne regrette rien. "C’est une aventure humaine tellement riche. Même quand c’est difficile, le moindre progrès nous rend heureux. On en apprend chaque jour, sur eux, sur nous, sur la vie de famille. La vie, c’est le partage." Et ce partage s’incarne jusque dans les gestes les plus simples. "Voir nos enfants s’occuper de Léo et Gabriel avec autant d’attention, c’est bouleversant. Ils sont plus protecteurs avec eux qu’entre frères et sœurs."
Ce ne sont pas nos enfants, et on le ressent, mais cela ne nous empêche pas de les aimer profondément.
Dans cette grande maison, tout le monde est embarqué dans la même aventure. C’est un travail, certes, mais c’est avant tout une famille qui accueille. Il faut de l’amour, et aussi accepter la réalité : si la rencontre avec l’enfant ne se fait pas, ça ne marche pour personne. Tous deux savent que ces enfants ne leur appartiennent pas. "Ce ne sont pas nos enfants, et on le ressent, mais cela ne nous empêche pas de les aimer profondément. C’est une rencontre humaine, parfois fragile, parfois exigeante. Et il faut savoir que, parfois, ça peut ne pas fonctionner."
Alors, quand le doute s’installe, il suffit parfois d’une phrase pour tout remettre en perspective. Un soir, alors qu’Alice s’inquiète du comportement difficile de Léo, et commence à douter de la situation, elle se confie à son mari. Étienne lui répond cette phrase toute simple mais forte de sens : "Léo n’a que nous." Une preuve que dans leur maison, l’amour n’est pas une promesse, c’est un choix renouvelé chaque jour.