Association d'Assistants Familiaux Lorrains

"qu'est-ce qu'on fait pour eux ?" : l'avenir des enfants placés en question après la fermeture des centres éducatifs fermés

19-12-2025

Créé en 2003, le centre éducatif fermé de Sainte-Eulalie, en Gironde, représentait l'ultime alternative à la prison pour les mineurs multirécidivistes ou auteurs d'infractions graves. Si l'utilité de cet établissement était contestée de longue date, sa fin annoncée par le ministre de la Justice Gérald Darmanin inquiète les élus et syndicats.

À Sainte-Eulalie (Gironde), l'annonce de la fermeture du centre éducatif fermé (CEF) a été accueillie avec un mélange de satisfaction et de crainte. La satisfaction, car les élus, les éducateurs, les riverains et les syndicats représentatifs avaient dressé le constat de l'échec de ce type d'établissement depuis bien longtemps. La crainte aussi, car l'avenir des huit enfants qui sont actuellement placés dans cette commune en périphérie de Bordeaux, ne s'est pas éclairci pour autant.

Mercredi 26 janvier, le ministre de la Justice Gérald Darmanin a sonné le glas des 19 centres éducatifs fermés publics, tel que celui de Saint-Eulalie. "Le modèle s'est épuisé et ne tient pas ses promesses. Ils ont échoué, et il est temps de tourner la page", a asséné le garde des Sceaux auprès de l'AFP, dans son discours d'ouverture des Rencontres de la justice des mineurs, qui se tiennent à Paris.

Des fugues et un climat de violence

Créés en 2002 pour accueillir des mineurs multirécidivistes ou auteurs d'infractions graves, ces centres représentaient l'ultime alternative à la prison et devaient apporter des vertus éducatives et de réinsertion. Mais à Sainte-Eulalie, comme partout sur le territoire, ils ont davantage fait parler d'eux pour les nombreuses fugues des jeunes placés, pour des faits de violences des éducateurs ou des adolescents, voire pour des histoires de trafics de drogues.

Hubert Laporte a pris ses fonctions de maire (SE) de Sainte-Eulalie en 2008, cinq ans après l'ouverture du CEF de la commune. L'élu est formel : "Il n’y a rien d'éducatif et rien de fermé ici. Les enfants sont oisifs avec peu d'heures de cours et ils sortent très souvent", lance-t-il.

Quand ils arrivent ici, les jeunes sont dans un sale état, ils ont beaucoup d'addictions, ils sont en rupture familiale, en manque de repères, avec beaucoup de violence et de haine en eux.

Hubert Laporte

Maire de Sainte-Eulalie

Selon lui, la police municipale organise des rondes tous les vendredis "pour prévenir les fugues avant le week-end". Le centre aurait également reçu la visite de la gendarmerie "le mois dernier pour des faits de violence entre jeunes" puis "la semaine dernière pour des faits de violence d'un jeune sur un éducateur".

Des centres transformés en nouvelles structures

Pour Hubert Laporte, la fermeture annoncée représente donc une bonne nouvelle. Pour autant, l'édile s'inquiète du destin des huit adolescents, âgés de 13 à 16 ans, qui sont actuellement pris en charge et de ceux qui le seront à l'avenir. Car l'établissement de Sainte-Eulalie ne va pas fermer ses portes.

À l'instar des 19 CEF gérés directement par le ministère de la Justice, il devrait se transformer en nouvelle structure que la chancellerie a rebaptisée : "Unités judiciaires à priorité éducative". Autrement dit en foyers d'éducation renforcée, qui seront centrés sur trois priorités : la scolarité obligatoire, la santé mentale et la lutte contre les addictions.

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Et c'est précisément cette transformation qui nourrit la méfiance du SNPES-PJJ/FSU, le syndicat des professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse. Sa secrétaire nationale, Marielle Hauchecorne, se dit raccord sur la fin des CEF "qui ne font rien d'éducatif et qui coûtent cher". Une enquête de l'IGA estime le coût de fonctionnement d'un CEF à 600 euros par jour et par jeune, soit un montant moyen bien plus élevé que ceux engagés par les 66 foyers traditionnels que compte le pays.

Replacer l'éducatif au cœur des foyers

À l'inverse, Marielle Hauchecorne clame que son syndicat est "en désaccord avec le reste de l'analyse du garde des Sceaux qui consiste à dire que ces centres éducatifs fermés n'étaient pas assez fermés." Le syndicat milite pour mettre l'éducatif au centre de la protection judiciaire de la jeunesse, "en dehors d'un cadre contraint et coercitif", insiste-t-elle.

On est dans la culture de la peur et du tout sécuritaire, mais pour peu qu'on laisse un peu de temps à ces adolescents, je vous assure que l'éducatif donne de bons résultats. Or, dans l'enfermement, c'est compliqué d'en faire.

Marielle Hauchecorne

Secrétaire nationale SNPES PJJ-FSU

Le maire de Sainte-Eulalie, Hubert Laporte, veut lui aussi remettre l'accent sur les volets éducatif et humain. "Les jeunes vont rester là, même si le centre va changer de nom, rappelle-t-il. La priorité, c'est de prendre ces jeunes plus tôt et de leur redonner une chance. Car on parle d'enfants, d'adolescents et qu'est-ce qu'on fait pour eux ? Quel avenir on leur propose ?". Autant de questions qui risquent de rester en suspens.