Jarville-la-malgrange « on a besoin d’affection pour grandir » : des mères sos au secours des enfants privés de famille
29-12-2025
Ils ont 3, 5, 9, 14 ans… Ils ont été séparés de leur famille, par la Justice, parfois par la mort. Mais dans ce malheur qui les a frappés, une chance leur a été accordée : ils ont été placés au Village d’Enfants SOS à Jarville. Dans une vraie maison. Où les fratries ne sont pas séparées. Et où ils reçoivent l’affection d’une Mère SOS. Mais il en manque…
Lysiane Ganousse - Aujourd'hui à 06:30 | mis à jour aujourd'hui à 16:30 - Temps de lecture : 3 min
Grosse opération emballages cadeaux pour préparer Noël, période toujours délicate pour des enfants séparés de leurs familles. Parfois définitivement. Photo Lysiane GanousseIls sont tous sur le pont. Des dizaines de rouleaux de papier, des sacs qui se garnissent en série, l’atelier d’emballage cadeaux des lutins de Noël tourne à plein régime. Et dans le rôle des lutins : l’ensemble du personnel de Villages d’Enfants SOS.
A lire aussi
Rencontre avec Sarah et Lisa, 51 ans et 26 ans, qui partagent leur quotidien avec des enfants placés au cœur du Village SOS
La période des fêtes est particulièrement délicate pour ces enfants séparés de leur famille par décision de justice. Ou pupilles d’État pour certains. Autrement dit orphelins.
Parce que tel est le statut des 51 occupants de ce village pas comme les autres situé au cœur de Jarville : en rupture de famille et donc « placés ». Ils auraient pu atterrir en foyer, mais le Village offre une heureuse alternative pour éviter que ne soient séparées les fratries, ils sont hébergés dans l’une des onze « Maisons ».
Cuisine, salle à manger, salle de séjour et salles de bains… à raison de 4-5 occupants par maison, chacun y dispose de sa chambre. Mais surtout bénéficie de l’attention d’une « Mère SOS », alias éducatrice familiale.
SOS Village d’enfants à Jarville. Avec Lisa, aide familiale, Laëtitia Mevel, directrice, et Sarah, éducatrice familiale (Mère SOS), devant la maison commune du Village. Photo Lysiane Ganousse
SOS Village d’enfants à Jarville. Avec Lisa, aide familiale, Laëtitia Mevel, directrice, et Sarah, éducatrice familiale (Mère SOS), devant la maison commune du Village. Photo Lysiane Ganousse
Cette « mère de substitution » s’occupe des enfants depuis l’âge de 3 ans. Elle est là de nuit comme de jour, pour préparer le p’tit déj, conduire à l’école, veiller aux devoirs, et emmener chez le médecin le cas échéant, au cours de guitare ou de judo. Il manque un jogging dans le trousseau ? C’est à elle d’y pourvoir, en même temps qu’elle remplit le frigo, un budget est chaque mois mis à sa disposition.
Un métier hors-norme
Elle est là pour faire respecter les règles, interdire les écarts de langage, pour encourager, nourrir, sermonner, là pour le jeu, la sanction, la transmission, là pour le câlin du soir. Là aussi, éventuellement, pour consoler la nuit quand taraudent les cauchemars.
« Enfant, on a besoin de s’attacher et d’affection, pour grandir. C’est même vital pour se construire. »
En prenant la tête de SOS Village à Jarville il y a un an et demi, Laëtitia Mevel a trouvé un terrain en phase avec ses valeurs profondes. « Quand j’ai fait mes études d’assistante sociale, on nous répétait qu’il fallait garder nos distances, ne surtout pas s’attacher ! » Mais on en est revenu depuis. « Et aujourd’hui, on parle plutôt de juste proximité. Et ça change beaucoup la donne. Je suis convaincue que le lien qu’on propose aux enfants ici les sécurise et leur permet de grandir au mieux. » Elle en veut pour preuve les « chouettes parcours » dont beaucoup peuvent se targuer ensuite.
Mais pour que se construise ce lien particulier, une Mère SOS travaille et séjourne sur place trois semaines d’affilée, 24h/24h. Avant une pause de 8-10 jours pendant lesquels une aide familiale prend le relais (lire par ailleurs). Puis reprise du cycle. C’est un métier. Mais un métier hors-norme. Il y faut en effet beaucoup d’engagement. « Mais c’est une profession qui s’est beaucoup structurée ces dernières années, avec des statuts », précise la directrice.
Une constellation vertueuse
« On veille à leur qualité de vie, on met le paquet sur la formation, on assure des temps de garde-relais pour qu’elles puissent souffler régulièrement, et elles peuvent aussi s’appuyer sur l’aide de psychologues. »
Sans oublier les quatre éducateurs spécialisés, l’éducatrice de jeunes enfants, l’éducatrice scolaire, l’aide ménagère en soutien à l’entretien des maisons, les deux accompagnantes en Maison familiale et tout le pôle administratif.
Une véritable constellation d’énergies déployée au service de ces 51 jeunes habitants. Voilà ce que l’institution tient à valoriser aujourd’hui, alors que se poursuit la campagne de recrutement.
Car, sur dix postes d’éducatrice familiale, trois restent encore vacants. « Et le recrutement n’est pas toujours facile, compte tenu du profil de poste », convient la directrice. « Mais on n’est jamais seul à proprement parler. » Et la prise de poste se fait en douceur, ponctuée de plusieurs entretiens et d’une période d’observation. Ce qu’on appelle, ici, « un cheminement ».
À l’issue de quoi, peu à peu, se créent de nouveaux attachements, de nouveaux liens, une nouvelle cellule familiale. Pas si éloignée de la norme finalement...